La PRJ privée : procédure discrète de restructuration d’entreprise en difficultés financières

Cabinet d'avocats à Nivelles et Bruxelles

La PRJ traditionnelle n’est pas toujours adaptée pour éviter la faillite Les entreprises en difficulté financières (société, asbl, personne physique, etc.), qui ne parviennent plus à gérer leurs dettes, disposent d’un panel de solutions proposées par le législateur (en particulier le Livre XX du Code de droit économique) au titre de mesures curatives ou préventives : PRJ, faillite, cession de l’entreprise, dissolution, etc. Le principal défaut de des procédures ayant pour objectif de préserver l’entreprise réside dans la publicité dont elles font l’objet (publication au Moniteur belge). L’on constate en effet que cette publicité, qui a pour dessein d’informer les tiers sur la situation de l’entreprise, a un effet néfaste pour la suite des affaires de l’entreprise en difficulté (perte de confiance des partenaires et investisseurs, perte de crédibilité auprès des clients, perte de crédit auprès des fournisseurs, etc). Ces procédures ne sont donc pas toujours parfaitement adaptées et l’objectif poursuivi par l’entreprise en difficulté (éviter la faillite et se restructurer) peut être compromis par cette publicité. Pour cette raison, le législateur a introduit, depuis le 1er septembre 2023, une procédure de réorganisation judiciaire privée (PRJ privée) aux articles XX.83 et suivants du Code de droit économique qui ne fait l’objet d’aucune publicité (publication au Moniteur belge, courrier circulaire à tous les créanciers, etc.). À l’instar de la PRJ publique, cette procédure peut avoir comme objectif soit un accord amiable (avec les créanciers que le débiteur choisit), soit un accord collectif (avec les créanciers que le débiteur choisit). L’objectif final étant de sauvegarder l’entreprise et d’éviter la faillite. La procédure de PRJ privée comme outil pour éviter la faillite ? Lorsqu’une entreprise est en difficultés financières (et ne sait donc plus payer (certains de) ses créanciers), elle peut demander au Président du tribunal la désignation d’un praticien de la réorganisation. Ce praticien de la réorganisation aura pour mission de négocier un accord (réduction de la créance, étalement des paiements, …) avec les créanciers qui lui seront désignés par le débiteur. Lorsqu’un accord semble possible, dans le cadre soit d’un accord amiable, soit d’un accord sur un plan de réorganisation sur lequel les créanciers pourront voter (accord collectif), le praticien de la réorganisation ou le débiteur en difficulté pourra demander au tribunal qu’il ouvre une procédure de réorganisation judiciaire privée par accord amiable ou procédure de réorganisation judiciaire privée par accord collectif. L’accord amiable est alors conclu, et ensuite éventuellement homologué par le tribunal, ou le plan de réorganisation est soumis au vote des créanciers pour être approuvé par ces derniers avant d’être homologué par le tribunal, suivant l’objectif choisi. L’absence de publicité et, ce faisant, le caractère discret de cette procédure, permet de contourner les effets délétères de la PRJ « traditionnelle » publique, ce qui peut conduire au succès de la procédure de réorganisation et éviter la faillite de l’entreprise en difficulté. Les caractéristiques et avantages de la PRJ privée La première caractéristique de la demande d’une PRJ privée est la désignation d’un praticien de la réorganisation. Sa mission sera essentiellement de donner une légitimité aux demandes de l’entreprise en difficultés vis-à-vis de ses créanciers, et ainsi améliorer la confiance de ces derniers dans le cadre des négociations à venir. La deuxième caractéristique de la demande d’une PRJ privée est le caractère secret de cette procédure. La PRJ privée ne fera donc jamais l’objet d’une publication au Moniteur belge, ni d’une communication automatique et générale aux créanciers : seuls les créanciers concernés par les accords envisagés seront contactés par le praticien de la réorganisation. Le corolaire de ce caractère secret consiste en le fait que l’ouverture de la PRJ privée n’implique aucun sursis ou pause des actions que peuvent entreprendre les créanciers (exécution sur le patrimoine de l’entreprise en difficulté,…). La troisième caractéristique de la PRJ privée réside dans le fait que le praticien de la réorganisation judiciaire peut demander au Président du tribunal d’octroyer un sursis individuel au débiteur, afin de protéger ce dernier des actions et des saisies entreprises par les créanciers visés par la mesure de sursis. Le Président du tribunal décidera d’octroyer ou non ce sursis individuel en ayant égard à la situation du débiteur, aux négociations en cours et en prenant en compte le préjudice causé par la mesure aux créanciers concernés ainsi que l’intérêt général. En conséquence, alors qu’en principe, durant les négociations, chaque créancier, qu’il soit concerné par l’accord ou non, conserve ses droits d’initiative vis-à-vis du débiteur, le sursis individuel octroyé fera obstacle aux mesures envisagées par le créancier visé. Conclusions La publicité d’une procédure d’insolvabilité pourra être un désavantage dans le cadre de certaines restructurations et déforcer l’effet recherché par les procédures ayant pourtant pour objectif un redressement de l’entreprise. Dans ce cas, le PRJ privée (par accord amiable ou par accord collectif) pourra être une solution pour éviter la faillite. La faillite n’est pas une fatalité. Il existe de nombreuses solutions pour éviter la faillite (PRJ, PRJ privée, liquidation, …). Le choix initial de la procédure est d’une importance capitale pour atteindre l’objectif fixé, et nécessite une analyse juridique spécifique pour obtenir les meilleurs résultats. Nos avocats spécialistes de l’insolvabilité vous assistent pour analyser votre situation et vous proposer les outils les plus adaptés pour vous restructurer et éviter la faillite. Yannick Alsteens Clémentine Malschalck

La dissolution – liquidation déficitaire : une alternative à la faillite ?

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Lorsqu’une société connait des difficultés financières et se trouve en état de faillite (cessation de paiement et ébranlement du crédit), elle a l’obligation de faire aveu de faillite sur REGSOL, dans le mois de la cessation de ses paiements. Elle pourrait néanmoins choisir la voie de la dissolution déficitaire volontaire avec ou sans ouverture de liquidation, si les conditions sont réunies. Pourquoi choisir la dissolution déficitaire à la place de la faillite ? L’aveu de faillite et la procédure de faillite qui s’ensuit impliquent souvent des répercussions négatives pour les dirigeants de l’entreprise : grandes difficultés pour obtenir un crédit par la suite, réputation négative auprès des fournisseurs et/ou clients, sentiment d’échec, etc. La dissolution volontaire (déficitaire ou non) n’implique pas systématiquement une réputation liée à l’échec. La dissolution est en effet une manière régulière de mettre fin à une société, que celle-ci soit en difficultés financières ou non. La dissolution déficitaire sans ouverture de liquidation (dissolution en un seul acte) Les conditions de la dissolution en un seul acte Une société peut être dissoute et liquidée en un seul acte, sans désignation d’un liquidateur. Cette décision nécessite un quorum de présence et de vote : la dissolution et la liquidation de la société dans un seul acte est possible pour autant que cette décision soit approuvée à l’unanimité des voix des actionnaires présents ou représentés, représentant, s’il s’agit d’une société à responsabilité limitée ou d’une société coopérative, la moitié au moins du nombre total des actions émises, ou s’il s’agit d’une société anonyme, la moitié au moins du capital. Les conditions pour la dissolution en un seul acte sont les suivantes : Cette procédure présente de nombreux avantages (simplicité, rapidité, coût moindre, etc), mais nécessitera, en cas de dettes dont le remboursement n’est pas envisageable, l’accord de tous les actionnaires ou créanciers de la société à propos de la procédure de dissolution avec clôture immédiate de la liquidation. La responsabilité des actionnaires Dans l’hypothèse où la dissolution s’avèrerait en réalité déficitaire, parce que la société aurait omis (volontairement ou non) un créancier et/ou que celui-ci n’aurait pas marqué son accord sur la procédure de dissolution en un seul acte, le Code des sociétés et des associations prévoit un régime aggravé de responsabilité des actionnaires. En effet, ils seront responsables, sans solidarité entre eux, des dettes de la société dissoute qui n’ont pas été payées au plus tard lors de la clôture de la liquidation et pour lesquelles il n’a pas été consigné, au plus tard à cette date, un montant suffisant pour couvrir ces dettes en principal et accessoires, indépendamment du fait qu’ils en aient ou non eu ou dû avoir connaissance compte tenu des circonstances. S’ils sont de bonne foi, ils peuvent exercer un recours contre les derniers membres de l’organe d’administration en fonction. Cette responsabilité est limitée à l’égard des actionnaires au montant égal à la somme de l’apport qui a été remboursé à chaque actionnaire, et de sa part dans le solde de liquidation reçue avant ou lors de la clôture de la liquidation de la société. L’administrateur et l’actionnaire seront dès lors attentifs à n’omettre aucun créancier dans le cadre de la mise en dissolution avec clôture immédiate de la liquidation de l’entreprise. La dissolution avec ouverture de liquidation Le CSA impose aux sociétés des quorums spécifiques de présence et de vote dans l’hypothèse d’une procédure de dissolution avec ouverture de la liquidation et désignation d’un ou de plusieurs liquidateurs. Quorum de présence : Sans préjudice de conditions plus sévères imposées par les statuts de la société, la moitié au moins du nombre total des actions émises doit être présente ou représentée lors de l’assemblée générale appelée à se prononcer sur la proposition de dissolution. Dans l’hypothèse où la société ne réunit pas ce quorum, une seconde convocation à une nouvelle assemblée est adressée aux actionnaires. Cette assemblée, qui ne pourra être tenue dans un délai inférieur de 15 jours, statuera valablement, quel que soit le nombre d’actionnaires présents ou représentés. Quorum de vote : Sans préjudice de conditions plus sévères imposées par les statuts de la société, la décision de dissolution requiert un vote favorable d’une majorité des trois quarts des voix exprimées des actionnaires présents ou représentés, sans qu’il soit tenu compte des abstentions au numérateur, ni au dénominateur. Désignation d’un liquidateur et opérations de liquidation : sauf disposition statutaire contraire, en cas de dissolution suivie par l’ouverture d’une liquidation, l’assemblée générale doit désigner un ou plusieurs liquidateurs, à la majorité simple, qui aura pour mission, notamment, de réaliser l’actif et de le répartir conformément à un plan de répartition. Dans l’hypothèse d’une liquidation déficitaire, le liquidateur veillera au préalable à obtenir l’homologation du plan de répartition des actifs entre les différentes catégories de créanciers. Quelles sont les différences entre la dissolution déficitaire et la faillite La procédure de dissolution déficitaire (avec ou sans liquidation) et la faillite ont un objectif commun : mettre fin à la société et ses activités, par l’intermédiaire d’une procédure légalement organisée, qui permettra de prendre en compte les intérêts des créanciers. Dans les deux cas, les créanciers ne seront pas payés intégralement, et seront payés suivant les règles du concours. S’il s’agit d’une dissolution déficitaire en un seul acte, les créanciers devront au préalable avoir marqué préalablement leur accord sur une telle dissolution déficitaire (et donc une renonciation à leur créance). La procédure de dissolution (qui devra impliquer de facto que la confiance des créanciers soit préservée au moment de la mise en dissolution) permet de mieux sauvegarder les intérêts des administrateurs et actionnaires de la société, puisque cette procédure est mieux cotée qu’une procédure de faillite (qui implique encore un sentiment collectif d’échec stigmatisant pour le dirigeant). En outre, l’entreprise peut choisir son liquidateur dans le cadre d’une liquidation, alors que le curateur de faillites est désigné par la tribunal de l’entreprise, à qui il doit rendre des comptes. Enfin, la responsabilité personnelle du dirigeant peut plus difficilement être mise en cause dans le cadre d’une liquidation que d’une

Comment dissoudre et liquider sa société ?

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1. Dissolution d’une société : cadre général La plupart des sociétés sont constituées pour une durée illimitée. En fonction de la vie des affaires, il est parfois nécessaire de mettre fin à sa société, soit par l’intermédiaire d’une liquidation (par exemple pour mettre fin à une société dormante ou inactive), soit d’une faillite. Pour ce faire, il ne suffit en effet pas de déposer une déclaration de cessation d’activités auprès de l’administration de la TVA, ou de ne plus se conformer aux obligations pesant sur la société, comme, par exemple, ne plus publier les bilans de la société : il faut y mettre fin de manière formelle en respectant le cadre légal de la procédure de dissolution volontaire (ou de faillite, si les conditions sont réunies). Le non-respect des obligations spécifiques qui s’imposent aux sociétés peut avoir des répercussions très importantes sur le plan de responsabilité personnelle des dirigeants, si ceux-ci ne s’y sont pas conformés. 2. Dissolution d’une société : les motifs Le Code des sociétés et des associations (CSA) définit trois causes de dissolution : Nous n’abordons ici que l’hypothèse de la dissolution volontaire. 3. Dissolution volontaire d’une société : une décision de l’assemblée générale des actionnaires Les sociétés, de type SRL, SA, sociétés coopératives, sociétés européennes et sociétés coopératives européennes, peuvent être dissoutes, à tout moment, par décision de leur assemblée générale. Sous peine de nullité de la décision de dissolution, l’organe d’administration devra cependant veiller à justifier la proposition de dissolution de la société dans un rapport annoncé dans l’ordre du jour de l’assemblée. A ce rapport est joint un état résumant la situation active et passive de la société (situation comptable), clôturé à une date ne remontant pas à plus de trois mois avant l’assemblée générale appelée à se prononcer sur la proposition de dissolution. L’état résumant la situation active et passive de la société doit être contrôlé par un commissaire, ou à défaut par un expert-comptable externe ou un réviseur externe, qui devra spécialement indiquer dans son rapport s’il donne une image fidèle de la situation de la société. Ces rapports doivent être mis à la disposition des actionnaires, dans les formes prévues par la loi. A défaut, la décision de l’assemblée générale est nulle. Ils devront par ailleurs être transmis au notaire chargé de dresser, par acte authentique, la décision de dissolution émanant de l’assemblée générale. 4. Dissolution avec ou sans ouverture de liquidation La dissolution peut soit être suivie par une liquidation, soit être dissoute avec clôture immédiate de sa liquidation, « en un seul acte ». 4.1 Dissolution d’une société avec ouverture de la liquidation (désignation d’un ou de plusieurs liquidateurs) Le CSA impose aux sociétés des quorums spécifiques de présence et de vote dans l’hypothèse d’une procédure de dissolution avec ouverture de la liquidation et désignation d’un ou de plusieurs liquidateurs. Quorum de présence : Sans préjudice de conditions plus sévères imposées par les statuts de la société, la moitié au moins du nombre total des actions émises doit être présente ou représentée lors de l’assemblée générale appelée à se prononcer sur la proposition de dissolution. Dans l’hypothèse où la société ne réunit pas ce quorum, une seconde convocation à une nouvelle assemblée est adressée aux actionnaires. Cette assemblée, qui ne pourra être tenue dans un délai inférieur de 15 jours, statuera valablement, quel que soit le nombre d’actionnaires présents ou représentés. Quorum de vote : Sans préjudice de conditions plus sévères imposées par les statuts de la société, la décision de dissolution requiert un vote favorable d’une majorité des trois quarts des voix exprimées des actionnaires présents ou représentés, sans qu’il soit tenu compte des abstentions au numérateur, ni au dénominateur. Désignation d’un liquidateur et opérations de liquidation : Sauf disposition statutaire contraire, en cas de dissolution suivie par l’ouverture d’une liquidation, l’assemblée générale doit désigner un ou plusieurs liquidateurs, à la majorité simple. Le liquidateur a pour mission de liquider la société, c’est-à-dire, notamment, réaliser les actifs mobiliers ou immobiliers de la société, en vue de payer ses éventuels créanciers, gérer les aspects sociaux (licenciement, communication des documents sociaux complétés, etc…) ou encore entamer ou poursuivre tous les procès utiles à la liquidation, sans oublier qu’il devra respecter toutes les obligations comptables et fiscales qui pèsent sur l’entreprise Le CSA fixe cependant la liste des actes qui devront obtenir au préalable l’autorisation de l’assemblée générale, dans la décision de nomination ou ultérieurement. Dans l’hypothèse où l’actif est présumé être insuffisant pour désintéresser le passif (liquidation déficitaire de la société), la désignation du liquidateur devra être confirmée par le Président du tribunal de l’entreprise. En cours de liquidation, et au moment de la proposition de clôture de celle-ci, l’assemblée se prononce sur l’approbation des comptes. Elle statue ensuite, par un vote spécial, sur la décharge des liquidateurs et, le cas échéant, du commissaire ainsi que sur la clôture de la liquidation. Dans l’hypothèse d’une liquidation déficitaire, le liquidateur veillera au préalable à obtenir l’homologation du plan de répartition des actifs entre les différentes catégories de créanciers. La dissolution avec liquidation déficitaire est une alternative à la faillite d’une société. Si les conditions le permettent (ce qui devra être validé par un avocat spécialisé en droit de l’insolvabilité), les actionnaires de la société pourraient préférer qu’une liquidation soit ouverte plutôt qu’une procédure de faillite, notamment pour des raisons liées à la publicité négative qui peut accompagner une faillite. 4.2 Dissolution d’une société avec clôture immédiate de sa liquidation (procédure « en un seul acte ») Une société peut être dissoute et liquidée en un seul acte, sans désignation d’un liquidateur. Quorum de présence et de vote : La dissolution et liquidation de la société dans un seul acte est possible pour autant que cette décision soit approuvée à l’unanimité des voix des actionnaires présents ou représentés, représentant, s’il s’agit d’une société à responsabilité limitée ou d’une société coopérative, la moitié au moins du nombre total des actions émises, ou s’il s’agit d’une société anonyme, la moitié au moins du capital. Conditions : Outre ces quorums, la dissolution et

Faillite : du neuf sur l’effacement des dettes

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Le délai de forclusion annulé par la Cour constitutionnelle : ses effets sur les ex faillis dont l’effacement a été refusé en raison du non-respect du délai de 3 mois L’arrêt du 21 octobre 2021 de la cour constitutionnelle : délai de 3 mois est disproportionné Dans un précédent article, les avocats spécialisés du département Entreprises en difficulté – restructuring du cabinet Novalis Avocats ont commenté l’arrêt prononcé sur question préjudicielle par la Cour constitutionnelle en date du 22 avril 2021, par lequel la Cour considère que le délai de 3 mois visé par l’article XX.173 du Code de droit économique « produit des effets disproportionnés pour le failli personne physique qui perd de ce fait toute possibilité qu’un juge se prononce sur l’effacement du solde de ses dettes et qui doit dès lors irrévocablement continuer à supporter sur l’ensemble de son patrimoine les dettes qui n’ont pas été réglées par la liquidation de la masse. », ce qui annonçait un éventuel arrêt en annulation, dont l’autorité de chose jugée pourrait bénéficier à l’ensemble des faillis personnes physiques de Belgique. C’est désormais chose faite : dans son arrêt du 21 octobre 2021, la Cour constitutionnelle a, par identité de motifs à son précédent arrêt du 22 avril 2021, annulé l’article XX.173 du Code de droit économique « en ce qu’il prévoit que le failli personne physique qui n’introduit pas une requête en effacement du solde des dettes dans le délai de forclusion de trois mois après la publication du jugement de faillite perd irrévocablement le droit à cet effacement. » Désormais, les Cours et Tribunaux du Royaume ne pourront donc plus refuser la demande d’effacement des dettes du failli en personne physique qui aurait été introduite au-delà du délai de trois mois après la publication du jugement de faillite (irrecevabilité pour forclusion). Qu’en est-il des faillis personnes physiques dont la clôture de faillite a été prononcée antérieurement et dont l’effacement a été refusé en raison du non-respect du délai de trois mois ? La loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle prévoit en son article 16 que « dans la mesure où elles sont fondées sur une disposition d’une loi […] qui a ensuite été annulée par la Cour constitutionnelle […] les décisions passées en force de chose jugée rendues par les juridictions civiles peuvent être rétractées en tout ou en partie, à la demande de ceux qui y auront été parties ou dûment appelés ». Les ex faillis en personne physique disposent en conséquence d’un délai de 6 mois à dater de la publication de l’arrêt de la Cour constitutionnelle au Moniteur belge, pour agir en rétractation de la décision fondée sur la forclusion. Il nous parait cependant que l’éventuelle décision de rétractation prononcée par la juridiction saisie de la voie de recours extraordinaire ne pourrait avoir d’effet sur les droits acquis des créanciers, qui auraient recouvré leurs droits à la clôture de la faillite. Notre conseil Les avocats spécialisés du département Entreprises en difficulté – restructuring du cabinet Novalis Avocats assistent régulièrement les entreprises en faillite. Ils disposent de la compétence et de l’expertise nécessaire afin de vous assister dans la procédure en rétractation. N’hésitez pas à prendre contact avec eux. Yannick Alsteens, avocat en droit de la faillite Clémentine Malschalck

Aveu de faillite : comment faire ?

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Vous souhaitez faire faillite aveu de faillite, mais vous ne savez pas comment vous y prendre ? L’entreprise, lorsqu’elle ne parvient plus à assurer la pérennité de ses affaires (en raison de facteurs externes et/ou internes à celle-ci), et qu’elle rencontre des difficultés de trésorerie (elle ne peut plus payer ses dettes), sera sans doute amenée, si elle ne peut y remédier et/ou préserver tout ou partie de ses activités, à procéder à son aveu de faillite, que l’on nomme encore maintenant « le dépôt de bilan ». Qui peut faire aveu de faillite ? La faillite est ouverte à toutes les entreprises, au sens du Code de droit économique. Cela vise, bien sur, les sociétés commerciales, mais également les ASBL, les sociétés à finalité sociale, mais aussi les travailleurs indépendants en personne physique (appelés traditionnellement « commerçants« ) . Certaines juridictions acceptent également qu’un dirigeant d’une société puisse être personnellement déclaré en faillite. Quelles sont les conditions de la faillite ? Une entreprise est en faillite lorsque les conditions suivantes sont remplies : Pourquoi faire aveu de faillite ? Le Livre XX du Code de droit économique impose à l’entreprise de faire aveu de faillite dans le mois de la date de la cessation de ses paiements. A défaut d’aveu de faillite dans le délai imposé par la loi, la responsabilité du dirigeant de l’entreprise pourrait être engagée, et il pourrait être condamné au paiement des dettes de l’entreprise. Pour ce qui concerne l’indépendant en personne physique, cela pourrait constituer un empêchement à l’effacement de ses dettes. Comment introduire son aveu de faillite ? Une procédure électronique Depuis le 1er mai 2018, l’entreprise doit déposer son aveu de faillite de manière électronique sur la plateforme REGSOL (www.regsol.be). L’aveu par voie électronique est désormais gratuit et substitue le système en vigueur jusqu’alors, qui obligeait l’entreprise à se déplacer jusqu’au greffe du tribunal de commerce (désormais tribunal de l’entreprise) pour déposer ses livres et procéder à la déclaration de son état de faillite. Désormais, l’entreprise, par l’intermédiaire de son administrateur ou d’un mandataire spécial, devra tout simplement créer un compte sur la plateforme, ce qui lui permettra ensuite de bénéficier d’un espace numérique à partir duquel elle pourra suivre l’évolution de la faillite. Pour procéder au dépôt de l’aveu, l’administrateur, ou le mandataire spécialement désigné, devra se connecter à la plateforme numérique avec la carte d’identité électronique eID ou via Itsme. Qui peut faire aveu de faillite au nom de l’entreprise ? Le mandat L’entreprise peut procéder directement à son aveu de faillite (via l’onglet « Faire aveu de faillite »), par l’intermédiaire de son administrateur s’il s’agit d’une personne morale. D’autres intervenants peuvent également procéder au dépôt au nom et pour le compte de l’entreprise concernée (via le même onglet). Il s’agira dans ce cas par exemple de l’avocat. Lors de l’aveu, le mandataire justifiera la preuve de son mandat, en le téléchargeant sur la plateforme. Comment identifier l’entreprise ? L’entreprise, ou son mandataire, identifiera son numéro B.C.E., sa dénomination commerciale et l’adresse de son siège social. Une fonctionnalité permet de générer ces informations à partir du numéro B.C.E. Si l’entreprise visée par l’aveu ne possède pas de numéro B.C.E. (pensons aux aveux d’administrateurs ou associés en nom/commandité, qui déclarent en qualité de personnes physiques), ou s’il s’agit d’une organisation sans personnalité juridique, le déclarant veillera à remplir correctement ses coordonnées. Quel est le tribunal territorialement compétent pour traiter l’aveu de faillite ? Il appartiendra à l’entreprise, sans doute avec difficultés, d’identifier correctement le tribunal de l’entreprise territorialement compétent. Le tribunal compétent pour ouvrir une procédure de faillite est celui dans le ressort duquel se situe le centre des intérêts principaux du débiteur (« Centre of main interests – COMI ») au jour où le tribunal est saisi. La plateforme génèrera automatiquement l’adresse de ce COMI sur base du siège social de l’entreprise. Il existe en effet une présomption réfragable de correspondance entre ce COMI et le siège social, pour autant que ce dernier n’ait pas été transféré dans un autre ressort au cours des 3 mois précédant la demande d’ouverture de faillite. Si l’entreprise est une personne physique, il s’agira du lieu où il exercera son activité principale (le critère n’est donc pas celui du domicile) ; pour l’entreprise titulaire d’une profession libérale soumise à une inscription, le tribunal compétent sera celui dans le ressort duquel l’entreprise est inscrite ; sauf le cas où l’entreprise a modifié le lieu de son activité principale dans un autre ressort au cours des 3 mois précédant la demande d’ouverture de faillite. L’entreprise veillera donc à identifier correctement le tribunal compétent, et s’aidera au besoin de l’outil accessible sur JURIDAT (www.juridat.be), auquel renvoie la plateforme REGSOL. Le titulaire d’une profession libérale peut-il faire faillite ? Depuis le 1er mai 2018, les titulaires de professions libérales (médecins, avocats, architectes, notaires, …) peuvent également être déclarés en faillite. L’entreprise devra mentionner si elle exerce une profession libérale, au moment de l’aveu (en cochant « oui » ou « non »), et sélectionner la profession concernée dans la liste proposée par la plateforme. Dans ce cas, un co-curateur appartenant à la même profession libérale sera désigné par le tribunal de l’entreprise. Comment introduire une demande d’effacement ? Si l’entreprise est une personne physique – possédant ou non un numéro B.C.E. – elle joindra à son aveu (ou dans un délai de 3 mois qui prend cours à partir de la publication de la faillite au Moniteur belge) sa requête en effacement de dettes. Quels documents et informations complémentaires joindre lors de l’aveu ? La liste des clients et des fournisseurs L’entreprise veillera à déposer une liste exhaustive de ses clients débiteurs et une liste de ses fournisseurs débiteurs, avec leurs coordonnées exactes et les montants qui lui sont dus ou dus par elle. La comptabilité L’entreprise joindra à son aveu une situation comptable actualisée (ou, à défaut, la dernière en sa possession), et indiquera si sa comptabilité est ou non à jour (et à quelle date). Elle identifiera également si sa comptabilité est tenue par un tiers et, si tel est le cas, les

La PRJ : un outil pour votre entreprise face à la crise

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Introduction La loi du 21 mars 2021 vient modifier la PRJ (procédure de réorganisation judiciaire) sur plusieurs de ses aspects. L’occasion pour les avocats du département « Entreprises en difficulté – restructuring » du cabinet Novalis Avocats de revenir sur cette procédure, l’intérêt d’y recourir et ses alternatives. 1. Qu’est-ce qu’une PRJ (son objet) ? Une PRJ (procédure de réorganisation judiciaire) est par définition une procédure judiciaire destinée à protéger une entreprise dont la continuité est menacée, en lui permettant de maintenir ses activités (nonobstant son endettement) et en évitant, le cas échéant, sa faillite. La PRJ, lorsqu’elle est bien accompagnée et répond aux besoins concrets de l’entreprise, permet à celle-ci, même en état de faillite, de rebondir et de préserver sa continuité. La continuité peut être menacée suite à diverses causes : perte d’un client important, marché qui change, faillite d’un client, erreur de gestion,… La PRJ donne ainsi un outil juridique pour permettre de surpasser les difficultés de l’entreprise qui pourraient causer sa faillite, en restructurant tout ou partie de l’entreprise et/ou de son passif (les dettes). 2. Qui peut introduire une procédure de réorganisation judiciaire ? La PRJ est ouverte à toutes les entreprises, au sens de l’article I.1,1° du Code de droit économique, ce qui inclut toute personne physique qui exerce une activité professionnelle à titre indépendant et toute personne morale. Les sociétés commerciales et les ASBL sont des entreprises et peuvent bénéficier d’une PRJ. Suivant certaines juridictions, l’administrateur d’une société peut également être considéré comme une entreprise, et pourrait bénéficier, pour lui-même, d’une PRJ en cas de difficultés financières. 3. Comment introduire une PRJ ? Une procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) s’introduit par une requête unilatérale sur REGSOL, la plateforme informatique belge de la solvabilité, de préférence par l’intermédiaire d’un avocat spécialisé en PRJ. Outre une explication sur les circonstances et les causes des difficultés, la requête en réorganisation judiciaire doit être accompagnée des pièces suivantes : Tout autre document utile à la compréhension du dossier par le tribunal 4. Procédure de réorganisation judiciaire : quels sont les objectifs  ? Une procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) peut être introduite en vue d’atteindre un ou plusieurs des trois objectifs suivants : a. PRJ par accord amiable La PRJ par accord amiable consiste à conclure un accord entre l’entreprise, dont la continuité est menacée, et tous ses créanciers ou, à tout le moins, deux d’entre eux, en vue de l’assainissement de sa situation financière ou de la réorganisation de son entreprise. L’objectif est de trouver un accord particulier avec les créanciers visés par la procédure. Cet accord peut être différent pour chaque créancier, et ne peut pas être imposé aux créanciers participant à la procédure, ou aux autres créanciers de l’entreprise. L’objectif peut consister, par exemple, à lisser le paiement d’une dette sur plusieurs années, à abattre en partie les montants dus (par une diminution des intérêts de retard, la suppression des majorations, voire une réduction du montant dû en principal, par exemple). b. PRJ par accord collectif Dans le cadre d’une procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif (PRJ par accord collectif), l’entreprise propose à l’ensemble de ses créanciers un plan de réorganisation, qui peut contenir de multiples propositions : réduction de la dette, paiement par mensualités sur une durée maximale de 5 années, etc. Le plan de réorganisation doit être approuvé par la majorité des créanciers lors d’un vote organisé  devant le tribunal de l’entreprise.  Le plan de réorganisation est tenu pour approuvé par les créanciers, lorsqu’il recueille le vote favorable de la majorité des créanciers présents ou représentés à l’audience, représentant par leurs créances, la moitié de toutes les sommes dues en principal des créances votantes. Prenons l’exemple d’un passif de 100.000€, réparti de manière inégale sur 10 créanciers. Lors de l’audience de vote, seul 8 créanciers se présentent, représentant 50.000€. Le plan sera tenu pour approuvé si 5 créanciers approuvent le plan, représentant au moins 25.001€. Une fois approuvé et homologué par le tribunal, le plan sera opposable et donc applicable à l’ensemble des créanciers de l’entreprise, même ceux qui ont voté contre le plan ou ceux qui n’ont pas pris part au vote. c. PRJ par transfert Dans le cadre d’une procédure de réorganisation judiciaire par transfert (PRJ transfert), l’entreprise demande au tribunal de désigner un mandataire de justice (généralement un avocat spécialisé en droit de l’insolvabilité) qui aura pour mission d’organiser et réaliser le transfert ordonné par le tribunal, par la vente ou la cession des actifs mobiliers ou immobiliers nécessaires ou utiles au maintien de tout ou partie de l’activité de l’entreprise. Concrètement, le mandataire de justice est chargé de trouver des repreneurs pour tout ou partie de l’activité : travailleurs, stock, contrats … Les dettes ne sont (en principe) pas transférées au cessionnaire. L’objectif est que l’entreprise se poursuive, au sein d’une autre structure, saine, en vue de sauver les emplois et de sauvegarder si possible l’intérêt des créanciers. L’entreprise initiale deviendra, le cas échéant, une coquille vide, qu’il conviendra de dissoudre ou pour laquelle un aveu de faillite s’imposera. 5. PRJ : effets sur les créanciers ? Durant la procédure, l’entreprise qui a introduit la PRJ bénéficie d’un « sursis », c’est-à-dire d’un moratoire sur l’essentiel des dettes du passé. L’entreprise ne peut plus être déclarée en faillite durant cette période. Au terme du sursis, la PRJ débouche soit sur un accord amiable avec les créanciers choisis, soit sur un accord collectif, opposable à l’ensemble des créanciers (si le plan de réorganisation judiciaire est approuvé et homologué par le tribunal), ou à un transfert de tout ou partie de l’entreprise ou de ses actifs à une autre entreprise. Au terme de la PRJ, les créanciers ne recouvrent leurs droits que dans la mesure prévue par l’accord amiable ou le plan de réorganisation judiciaire. En cas de transfert, les droits des créanciers se répercutent sur le prix de vente de l’entreprise. 6. Quelles sont les procédures alternatives à la PRJ ? La PRJ telle que décrite ci-dessus implique une phase publique : l’ouverture de la procédure

Dirigeant d’entreprise et dettes fiscales : quels risques ?

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Application de l’article 51 du Code de recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales Présentation Les sociétés et les ASBL lorsqu’elles ont la qualité d’assujetties ont l’obligation de payer le précompte professionnel et la taxe sur la valeur ajoutée. Les dirigeants de la société et de l’ASBL sont dans certaines hypothèses solidairement responsables du paiement de ces impôts. Il n’est pas rare qu’à l’occasion d’une cession d’actions, par exemple, ou d’un changement de dirigeants au sein de la personne morale, l’ancien actionnaire ou dirigeant cherche à couvrir cette responsabilité éventuelle par l’insertion dans la convention de transfert de clauses de garanties. Ces clauses ne suffisent toutefois pas à assurer intégralement la tranquillité du vendeur dans la mesure où elles sont inopposables à l’administration, si les conditions de la solidarité sont établies. Nous allons examiner dans les lignes qui suivent quelles sont ces conditions et circonstances dans lesquelles le dirigeant pourrait être tenu de payer les dettes fiscales de la société. Dispositions légales applicables L’article 93undecies C du Code de la TVA et l’article 442quater du C.I.R. 1992, pour ce qui concerne le précompte professionnel, prévoyaient ce mécanisme de solidarité. Ces dispositions ont été abrogées et remplacées par la loi du 13 avril 2019 introduisant le Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales. L’article 51 de ce nouveau Code, entré en vigueur le 1er janvier 2020, reprend en réalité les anciennes dispositions, si bien que les principes dégagés par la jurisprudence en ce domaine sont transposables à la nouvelle loi. En résumé, le législateur prévoit que le non-paiement répété de la TVA ou du précompte professionnel par la société pour trois ou deux dettes exigibles au cours d’une période d’un an, est présumé, sauf preuve du contraire, résulter d’une faute commise dans la gestion de la société, elle-même présumée et dont le dirigeant ou ancien dirigeant est tenu pour responsable. Autrement dit, le non-paiement répété de la TVA ou du précompte professionnel, dans les circonstances qui seront expliquées ci-dessous, fait naitre une présomption de faute dans le chef du dirigeant et une présomption de lien causal entre la faute et le dommage (le montant restant dû au fisc), de sorte que le dirigeant peut être personnellement tenu responsable de ces montants, et condamné à les payer. Pour la Cour constitutionnelle (qui se prononçait sur les textes anciens), ces dispositions sont conformes à la constitution même s’il instaure des règles plus sévères à l’égard du fisc que des autres créanciers dans la mesure où l’objectif du législateur est de préserver les droits du trésor et la compétitivité des entreprises qui remplissent leurs obligations. (Cour Const., 29 mars 2012, 20/2012 et 52/2012). Éléments constitutifs Non-paiement de deux dettes exigibles Selon que la société était tenue à des déclarations mensuelles ou trimestrielles à la TVA ou selon qu’elle est redevable du précompte mensuellement ou trimestriellement, le manquement pris en compte varie. Il faudra, au cas par cas, vérifier sur ce point le type d’obligations auxquelles est soumis le débiteur originaire. En matière de TVA, il ne peut y avoir de responsabilité des dirigeants qu’à la condition que le défaut de paiement porte bien sur au moins trois ou deux dettes exigibles au cours d’une période d’un an, selon qu’il s’agit d’un assujetti qui fait une déclaration mensuelle ou trimestrielle. En matière de précompte en cette responsabilité solidaire ne sera effective que si le défaut de paiement d’au moins soit trois, soit deux dettes échues au cours d’une période d’un an, selon que le précompte est payable mensuellement ou trimestriellement. L’administration est tenue d’adresser au dirigeant responsable un avertissement écrit invitant le destinataire à prendre les mesures nécessaires pour qu’il soit mis fin au défaut de paiement ou à démontrer que ce défaut n’est pas imputable à une faute qu’il aurait commise. La première chose à examiner sera donc, dans cet avertissement, la période de défaut de paiement visée par l’administration pour vérifier si cela correspond bien, pour le précompte, au cours d’une période d’un an, au non-paiement de trois ou deux dettes échues et pour la TVA, au cours d’une période d’un an, au non-paiement de trois ou deux dettes exigibles. L’avertissement doit clairement préciser la date d’exigibilité des deux dettes mentionnées. S’il apparaît qu’une seule dette est exigible au cours de la période d’un an, la présomption de l’article 51 ne trouverait pas à s’appliquer. Notion de Dirigeant Au sens de la disposition visée, la responsabilité solidaire concerne toutes les personnes qui, en fait ou en droit, détiennent ou ont détenu le pouvoir de gérer la société.  Cette responsabilité solidaire ne peut toutefois concerner que le défaut de paiement qui serait imputable à une faute (et le texte la présume comme nous allons le voir) commise par un dirigeant dans la gestion de la société ou de l’ASBL. Autrement dit, le dirigeant peut seulement être tenu du paiement des dettes contractées par la société ou l’ASBL, au moment où il en est ou était dirigeant. En cas de collège d’administration, rappelons que les administrateurs, mêmes « passifs », pourraient être déclarés responsables, sauf si conformément, par exemple, aux dispositions de l’article 2:56 du Code des sociétés et des associations, ils ont dénoncé la faute alléguée aux autres membres de l’organe d’administration et qu’ils n’ont pas pris part à la faute dénoncée. L’administrateur démissionnaire ne sera pas tenu des dettes fiscales postérieures à sa démission, à condition bien sûr que celle-ci soit opposable aux tiers et ait donc fait l’objet d’une publication en bonne et due forme aux annexes du Moniteur belge. Une convention sous seing privé serait inopposable à l’administration. Faute L’article 51 ne trouve à s’appliquer qu’en cas de manquement, par une société ou une ASBL à son obligation de paiement du précompte professionnel ou de la taxe sur la valeur ajoutée en sa qualité d’assujetti.  L’administration devra donc établir en premier lieu le fait de l’absence de paiement dans les délais légaux. Si l’imposition est exigible, le dirigeant concerné qui aurait dû veiller au

Le point sur l’effacement des dettes du failli : actualités

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Le point sur l’effacement des dettes du failli : du neuf depuis l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 22 avril 2021 ! Introduction Dans leur article consacré à l’effacement des dettes de failli , les avocats spécialisés du département « Entreprises en difficulté – restructuring » du cabinet Novalis Avocats ont souligné le vœu du législateur de promouvoir la seconde chance du failli personne physique, en lui permettant d’obtenir plus rapidement, et de manière automatique, l’effacement du solde de ses dettes qui n’auraient pas été réglées par la liquidation de la masse. Malgré cet objectif, et alors que le système antérieur de l’excusabilité ne fixait aucun délai, le législateur a décidé de conditionner l’octroi de l’effacement par un délai endéans lequel le failli a l’obligation de solliciter le bénéfice de cette mesure. Pour une raison indéterminée, le législateur a ainsi limité la possibilité pour le failli d’introduire sa demande d’effacement sur la plateforme REGSOL dans un court délai de 3 mois à partir de la publication de sa faillite. Sans que cela ne soit expressément stipulé par le texte légal, il ressort des travaux préparatoires que ce délai est dit de « forclusion », c’est-à-dire qu’à défaut pour le failli d’introduire sa demande endéans ce délai, il perd irrévocablement son droit à obtenir l’effacement du solde de ses dettes à l’issue de sa faillite. L’article XX.173 du Code de droit économique n’offre ainsi aucune marge d’appréciation au tribunal lorsque le failli a introduit sa demande d’effacement des dettes dans les délais (sauf le cas d’opposition prévu au §3). De la même manière, il ne dispose, selon les travaux préparatoires de la loi, d’aucune marge d’appréciation lorsque le failli omet d’introduire sa demande dans le délai de 3 mois puisque la sanction de ce manquement se traduit par le refus systématique de l’effacement. Dans ce cas, les créanciers recouvrent alors leurs droits à l’égard de l’ex-failli, après la clôture de la faillite. Or, le délai fixé par le législateur est critiquable à maints égards, tant il ne répond pas ou ne prend pas en compte (i) l’objectif annoncé dans les travaux préparatoires, (ii) la nécessité pour le failli de bénéficier d’un vrai fresh start exempt de toutes dettes du passé, et (iii) la réalité de la procédure de faillite. Arrêt de la Cour constitutionnelle du 22 avril 2021 Sans surprise, la Cour constitutionnelle a été saisie d’une question préjudicielle sur la constitutionnalité de l’article XX.173 du Code de droit économique, en ce qu’il prévoit un délai de forclusion pour bénéficier de l’effacement des dettes, au regard des articles 10 et 11 de la Constitution. La question préjudicielle posée par le Tribunal de l’entreprise d’Anvers, division Tongres, est la suivante : « L’article XX.173, §2, du Code de droit économique viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, dans l’interprétation selon laquelle le délai de trois mois après la publication du jugement de faillite pour introduire une requête en effacement est un délai de forclusion, en ce que le failli-personne physique qui n’introduit pas une requête en effacement en temps utile perd, de ce fait, irrévocablement et intégralement le droit à l’effacement, contrairement au failli personne physique qui introduit une requête en effacement en temps utile et qui (à défaut d’opposition formée conformément à l’article XX.173, §3, du Code de droit économique) obtiendra l’effacement automatique et sans que le tribunal dispose d’un pouvoir d’appréciation à cet égard ? » En d’autres termes, la Cour constitutionnelle est appelée à se positionner sur l’éventuelle discrimination qui résulterait de l’application d’un délai de forclusion, au regard de la limitation des droits des personnes concernées par cette mesure. Pour y parvenir, la Cour constitutionnelle recourt à ce qu’on appelle un « test de proportionnalité », dont l’objet est de mettre en balance l’intérêt légitime poursuivi par le législateur par rapport aux restrictions visées par l’article XX.173 du Code de droit économique, en particulier le délai de 3 mois, et aux effets de ces restrictions sur les droits des personnes concernées. Dans le cadre de l’application de ce test, la Cour constitutionnelle a, d’une part, rappelé l’objectif poursuivi par le législateur « considéré comme essentiel », à savoir la possibilité pour les entreprises de pouvoir redémarrer (même le lendemain de l’ouverture de la faillite) une nouvelle activité entrepreneuriale, favorisant ainsi la seconde chance du failli personne physique (« fresh start »). Or, comme le souligne la Cour, ce délai de 3 mois ne permet pas de répondre ou de mettre en œuvre l’objectif visé par le législateur. Bien au contraire, l’ex-failli, qui aurait omis d’introduire sa demande dans le délai légal, perdrait le bénéfice d’un vrai fresh start dès lors qu’il sera à nouveau sous le joug de ses créanciers dès la clôture de la faillite. D’autre part, le délai imposé par le législateur ne permet pas de répondre aux besoins de l’administration de la faillite : en effet, la circonstance qu’un failli dépose ou omet de déposer sa demande d’effacement n’affecte pas la gestion de la masse faillie. En d’autres termes, comme le souligne la Cour, le délai endéans lequel un failli a l’obligation de déposer une demande pour bénéficier de ses effets n’assure pas le règlement rapide de la faillite, tel que souhaité par le législateur. C’est donc fort logiquement que la Cour constitutionnelle a déclaré que le délai de 3 mois visé par l’article XX.173 du Code de droit économique « produit des effets disproportionnés pour le failli-personne physique qui perd de ce fait toute possibilité qu’un juge se prononce sur l’effacement du solde de ses dettes et qui doit dès lors irrévocablement continuer à supporter sur l’ensemble de son patrimoine les dettes qui n’ont pas été réglées par la liquidation de la masse. » Conclusions Cet arrêt du 22 avril 2021 est le bienvenu. Il convient toutefois de s’interroger sur ses effets, s’agissant d’un arrêt prononcé sur question préjudicielle. Bien que cet arrêt ait une autorité de chose jugée relative – c’est-à-dire qui s’applique au cas d’espèce dont est saisi le Tribunal de l’entreprise d’Anvers, division Tongres (et du juge d’appel, le cas échéant) – son

Convocation à la chambre des entreprises en difficulté

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La chambre des entreprises en difficulté : présentation générale et missions La chambre des entreprises en difficulté (autrefois appelée chambre des enquêtes commerciales) est la chambre du tribunal de l’entreprise qui suit la situation des entreprises en difficulté, et qui a pour mission de conscientiser les entreprises sur l’état de leurs difficultés, leurs origines, et de les inciter à prendre les mesures adéquates pour préserver leur continuité. La chambre des entreprises en difficulté veille également à protéger les droits des créanciers. La chambre des entreprises en difficulté se saisit de dossiers sur base de « clignotants » qui sont portés à sa connaissance soit par les greffes des juridictions, soit directement par les créanciers, et qui permettent de considérer que, selon toute vraisemblance, l’entreprise présente des signes de difficultés financières et se trouve dans une situation alarmante. Parmi ces clignotants, relevons notamment les défauts de paiement à l’égard de l’ONSS, de la TVA et du précompte, mais également les saisies pratiquées à charge des entreprises, les jugements qui la condamnent par défaut, ou ceux relatifs à des dettes non contestées, ou encore ceux relatifs à la résolution d’un bail commercial. Il existe également d’autres types de clignotants, parmi lesquelles le non-dépôt des comptes annuels à la BNB (même pour un seul exercice), ou la communication du dossier par la chambre insolvabilité du tribunal (à la suite d’une procédure de réorganisation judiciaire, dans le cas d’un rapport de faillite, etc). Ces données sont automatiquement collectées et centralisées par les greffes des tribunaux de l’entreprise dans un dossier ouvert au nom de l’entreprise. Quels sont les pouvoirs de la chambre des entreprises en difficulté ? Nous allons voir que ces pouvoirs sont très larges. Compte tenu des prérogatives de la chambre des entreprises en difficulté et des conséquences possibles d’une convocation, il est essentiel de se faire accompagner dès le début de la procédure (dès le stade de la convocation) par un avocat spécialisé en matière d’entreprises en difficulté. Votre avocat vous aidera à constituer un dossier de pièces et préparer les réponses à fournir. Lorsque la chambre des entreprises en difficulté estime que la continuité de l’entreprise est menacée (c’est-à-dire qu’il y a un risque de faillite), par exemple sur base des informations récoltées par les greffes ou les créanciers (les « clignotants »), ou lorsqu’une liquidation pourrait être prononcée (en raison, par exemple, du non-dépôt des comptes annuels), elle convoque l’entreprise en vue de l’entendre pour obtenir toute information relative à l’état de ses affaires et au sujet des mesures de réorganisation éventuelles (procédure de réorganisation judiciaire (PRJ), restructuration, mesures opérationnelles (licenciement, développement de nouveaux produits, …). Dans le cadre de sa mission, la chambre peut exiger de l’entreprise qu’elle lui communique tous les informations et documents qu’elle estime pertinents : comptabilité, balance clients, balance fournisseurs, … La chambre peut également demander à l’expert-comptable et/ou au réviseur de l’entreprise toutes les informations concernant les recommandations qu’ils ont faites au débiteur et, le cas échéant, les mesures qui ont été prises afin d’assurer la continuité de l’activité économique. La chambre peut désigner un juge rapporteur, qui se chargera de convoquer l’entreprise, de requérir les informations relatives à sa situation et aux mesures envisagées pour rétablir sa continuité. Le juge rapporteur fera ensuite rapport à la chambre des entreprises en difficulté. La chambre des entreprises en difficulté et/ou le juge rapporteur peuvent ainsi rassembler d’office toutes les données nécessaires à l’enquête. Ils peuvent entendre toute personne dont ils estiment l’audition nécessaire, même hors de la présence de l’entreprise, et ordonner la communication de toutes les données et informations utiles. Ils peuvent en outre requérir des informations directement auprès des créanciers et du Procureur du Roi. Enfin, le juge rapporteur peut descendre d’office au siège social de l’entreprise ou son centre des intérêts principaux (ce qui peut inclure le domicile de l’entreprise exploitée en personne physique), si l’entreprise n’a pas répondu à la convocation. Dans cette hypothèse, il sera dressé un procès-verbal des constatations et informations recueillies. Quelles décisions la chambre des entreprises en difficulté peut-elle prendre ? L’enquête peut durer maximum 8 mois (2×4 mois, si la chambre a désigné un juge rapporteur, 8 mois si la chambre des entreprises en difficulté mène l’enquête elle-même). Au terme de l’enquête, le juge rapporteur rédige un rapport, le cas échéant, qu’il communique à la chambre. Si l’examen du dossier ne révèle aucun signal alarmant sur l’entreprise, ou si celle-ci a régularisé sa situation (en procédant, par exemple, à la publication de ses comptes annuels), la chambre peut décider de classer provisoirement ou définitivement le dossier, ou de le remettre à une date ultérieure pour suivre son évolution. Si la chambre des entreprises en difficulté estime que les conditions de la faillite sont réunies, elle transmet le dossier au Procureur du Roi, afin que ce dernier cite l’entreprise en faillite. Dans cette hypothèse, la chambre des entreprises en difficulté peut également transférer le dossier au président du tribunal, afin qu’il désigne un administrateur provisoire qui pourra, le cas échéant, citer l’entreprise en faillite. Si la chambre des entreprises en difficulté estime que les conditions de la liquidation sont réunies, il peut communiquer le dossier au tribunal, qui pourra prononcer la liquidation de l’entreprise. Notre conseil Compte tenu des pouvoirs exorbitants dont dispose la chambre des entreprises en difficulté, il est nécessaire de prendre au sérieux la convocation, de donner suite utile aux demandes y formulées, et de se présenter à l’audience. L’audience devant la chambre ou devant le juge rapporteur doit être préparée de manière minutieuse, avec l’aide d’un avocat spécialisé en matière d’insolvabilité (qui connait parfaitement les procédures liées à l’enquête commerciale), et pourra utilement conseiller l’entreprise sur les mesures juridiques à prendre (restructuration, réorganisation judiciaire, aveu de faillite, …) en fonction de la situation propre à chaque entreprise, et avec l’aide de l’expert-comptable (qui pourra réunir tous les documents comptables nécessaires). Cet accompagnement est d’autant plus justifié qu’il ne revient pas à la chambre des entreprises en difficulté, et/ou, le cas échéant, au juge rapporteur de conseiller l’entreprise sur les

Responsabilité du dirigeant dont l’entreprise est en faillite

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La responsabilité du dirigeant d’une entreprise en faillite peut être engagée par le curateur En matière de responsabilité, les possibilités d’actions du curateur de faillites sont multiples : en fonction des irrégularités relevées, soit le curateur agira sur la base du droit commun de la responsabilité, soit son action sera fondée sur le Code des sociétés et des associations, ou encore il assignera le dirigeant sur pied des actions spécifiques prévues par le Livre XX du Code de droit économique. Ces diverses actions ne sont pas exclusives l’une de l’autre, et peuvent fonder, ensemble ou séparément, la condamnation du dirigeant à supporter jusqu’à l’intégralité du passif de la faillite (c’est-à-dire les dettes de la société). Nous nous limiterons à l’examen des actions propres au droit de l’insolvabilité, prévues aux articles XX.224 et suivants de droit économique, à l’exception des autres actions en responsabilité, notamment celles du fait du non-paiement répété du précompte professionnel et de la TVA dont les fondements légaux se trouvent en dehors du Code de droit économique. Comblement de passif pour faute grave Comportement visé Lorsqu’un dirigeant de droit ou de fait a commis une faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite, le curateur – ou un créancier pour le compte de la masse, dans l’hypothèse où le curateur n’assigne pas le dirigeant en comblement de passif et/ou ne poursuit pas l’instance en lieu et place du créancier – peut engager la responsabilité de ce dirigeant, devant le tribunal de l’entreprise qui a ouvert la procédure d’insolvabilité. Conditions Cette procédure ne peut aboutir que si le curateur ou le créancier démontre que le dirigeant a commis une faute grave et caractérisée. La jurisprudence qualifie généralement les faits suivants de fautes graves et caractérisées : absence de comptabilité probante, emplois non déclarés, utilisation d’une double comptabilité (une déclarée et une autre non déclarée), désintérêt du dirigeant pour ses affaires, prélèvement abusif en comptes courants, crédit artificiel par le non-paiement systématique des dettes institutionnelles, organisation frauduleuse d’insolvabilité, etc. Ces fautes doivent avoir contribué à la faillite, sans qu’il soit nécessaire, dans le chef du curateur ou du créancier, de prouver le lien causal entre la faute et l’insuffisance d’actif dont le dirigeant est présumé responsable. Les fautes graves et caractérisées reprochées au dirigeant ne doivent pas être (l’unique) cause de la faillite, dès lors qu’elles y auront « notamment » contribué. Exemple classique : l’absence de comptabilité contribue à la faillite de l’entreprise, dès lors qu’elle ne permet pas au dirigeant de prendre conscience de l’état financier de l’entreprise et de poser les actes nécessaires au redressement de celle-ci, de sorte qu’il sera présumé responsable de l’insuffisance d’actif. Cette action n’est pas applicable lorsque l’entreprise en faillite a réalisé au cours des trois exercices qui précèdent la faillite ou au cours de tous les exercices si l’entreprise a été constituée depuis moins de trois ans, un chiffre d’affaires moyen inférieur à 620 000€ HTVA et lorsque le total du bilan du dernier exercice n’a pas dépassé 370 000€. Il appartient au dirigeant de démontrer que l’entreprise répond à cette condition d’exclusion pour que sa responsabilité ne puisse pas être engagée sur base de cette action, ce qui peut s’avérer difficile lorsque la comptabilité de la société est inexistante ou non probante. Dédommagement Si les conditions de l’article XX.225, §1er du Code de droit économique sont réunies, le ou les dirigeants de droit ou de fait de l’entreprise pourront être condamnés par le Tribunal de l’entreprise, solidairement ou non, au paiement de tout ou partie des dettes de l’entreprise, à concurrence de l’insuffisance d’actif. Notons que les plafonds de responsabilités fixés à l’article 2 :57 CSA ne seront pas applicables dans l’hypothèse d’une action en comblement de passif. Poursuite déraisonnable de l’activité (« wrongful trading ») Comportement visé Lorsque le dirigeant (de droit ou de fait) qui savait ou devait savoir qu’il n’y avait manifestement pas de perspective raisonnable pour préserver l’entreprise ou ses activités et éviter une faillite, n’a pas fait aveu de faillite, sa responsabilité peut être mise en cause par le curateur, uniquement. Conditions Pour rappel, la loi impose à l’entreprise (et donc à ses dirigeants) de faire aveu de faillite dans le mois de la cessation des paiements. L’objectif annoncé est de limiter le passif qui se créerait lors de l’exploitation d’une entreprise qui n’a plus aucune perspective, et qui se trouve de facto en situation d’insolvabilité. Le dirigeant doit donc prendre toutes les mesures nécessaires pour s’informer de la situation financière de sa société, et prendre les initiatives qui s’imposent quant à la continuité. En particulier, si la société est en état de cessation de paiement, il doit faire aveu de faillite. Pour aboutir, cette action nécessite de démontrer que le dirigeant ne s’est pas comporté comme un dirigeant normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances, alors qu’il savait – ou devait savoir – à un moment donné antérieur à la faillite, qu’il n’y avait manifestement plus de perspective raisonnable pour préserver l’entreprise ou ses activités, et éviter une faillite. Dédommagement À défaut d’aveu de faillite dans les temps, le dirigeant peut être tenu à l’aggravation du passif depuis le moment où il avait, ou aurait dû avoir, connaissance de la situation irrémédiable de l’entreprise devenue alors insolvable et le moment où l’entreprise a été déclarée en faillite, ainsi que de la diminution de l’actif (stocks vendus dans l’intervalle …) pendant cette même période. La responsabilité du dirigeant du fait du non-paiement des cotisations de sécurité sociale (ONSS) Comportement visé La responsabilité personnelle du dirigeant pourra être retenue par le Tribunal de l’entreprise si ce dirigeant a été impliqué, au cours de la période de 5 ans qui précède l’ouverture de la faillite, dans au moins deux faillites ou liquidations à l’occasion desquelles des dettes de sécurité sociale n’ont pas été honorées. Conditions Cette action spécifique ouverte à l’ONSS et au curateur, prévue à l’article XX.226 du Code de droit économique, ne peut être diligentée que dans l’hypothèse où l’entreprise

La faillite : trois croyances démystifiées

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Le cadre La crise sanitaire et ses conséquences sur les entreprises ont mis en lumière le risque de faillite pour énormément d’entreprises (sociétés, ASBL, personnes physiques, …). Trois idées reçues circulent généralement autour de la faillite et méritent d’être démystifiées. Les idées reçues La faillite est une sanction qui n’arrive qu’aux autres Rappelons que la faillite est l’état de l’entreprise qui a cessé ses paiements de manière persistante (c’est-à-dire qu’elle ne paie plus ses dettes) et qui a perdu son crédit auprès d’au moins un de ses créanciers. Ainsi, une entreprise sera en état de faillite, lorsqu’un ou plusieurs créanciers (fournisseur, banque, institutionnel, etc) refusent de patienter davantage quant au règlement de leurs créances, tandis que cette entreprise n’est pas en mesure de faire face à son passif exigible, parce qu’elle n’a aucune perspective concrète de refinancement et/ou que ses activités ne lui permettent pas de générer des liquidités suffisantes pour financer celles-ci et assurer le règlement des dettes échues. Face à cette situation, le Tribunal de l’entreprise devra constater l’état de faillite après avoir été saisi soit par l’entreprise elle-même (qui aura introduit son aveu de faillite via l’application REGSOL), soit sur citation d’un créancier ou du Ministère public (notamment). Le mythe de la faillite qui serait le fait d’un dirigeant malhonnête ou qui aurait mal géré les affaires de son entreprise, et dont la faillite interviendrait à ce titre comme sanction, est éculé. Les causes de l’état de faillite peuvent être multiples, et surtout étrangères à une éventuelle mauvaise gestion du dirigeant : maladie (burn-out, …) du dirigeant, départ de personnes clés, marché en mutation, perte d’un gros client, lockdown, … Certains évènements de la vie des affaires peuvent en effet mettre en péril la continuité de l’entreprise de manière irrémédiable, sans qu’il soit nécessaire de rechercher une action fautive dans le chef du futur failli ou du dirigeant d’entreprise. Ces faillites malheureuses constituent la majorité des dossiers. Il ne suffit donc pas d’avoir géré son entreprise en bon père de famille pour ne jamais connaître d’état de faillite. Il ne faut pas non plus considérer la survenance d’une faillite comme un échec qui renverrait à l’idée que cela aurait pu être évité alors que bon nombre de facteurs susceptibles de causer une faillite sont imprévisibles et échappent au contrôle de l’entreprise ou de son dirigeant. Encore plus à l’heure actuelle et aussi longtemps que les mécanismes d’aides et d’accompagnement des entreprises en difficulté seront insuffisants, il convient de changer de paradigme : la faillite ne doit plus être perçue comme une sanction ou un échec, mais plutôt comme un outil – et rien que cela – pour la salubrité économique en permettant à l’entreprise, qui ne parvient plus à respecter les règles du marché et qui ne pourrait assurer sa continuité (via une restructuration ou un PRJ, par exemple), de mettre fin à ses difficultés et éviter que celles-ci n’entraînent des effets en cascade sur les autres acteurs économiques. Une fois en faillite, le curateur est habilité à tout saisir Ce mythe persistant pourrait constituer un obstacle au dépôt de l’aveu de faillite de l’entreprise. Or, la situation est très différente selon que l’entreprise est une société à responsabilité limitée (SRL, SA, …) ou une personne physique, voire une entreprise à responsabilité illimitée. Si l’entreprise est une société à responsabilité limitée, les actionnaires ne sont tenus qu’à concurrence de leurs apports, c’est-à-dire le montant qu’ils se sont engagés à mettre à disposition de la société (anciennement le capital de la société). Un curateur ne pourra donc vendre que les biens qui appartiennent à la société, sauf exception. Parmi ces exceptions, relevons l’hypothèse où le curateur parvient à démontrer devant le Tribunal de l’entreprise que les dirigeants ont commis des fautes graves et caractérisées qui ont contribué à la faillite (absence de comptabilité, chiffre d’affaires non déclaré, travailleurs non déclarés, …) : ceux-ci devront alors supporter tout ou partie du passif, en fonction de l’appréciation du Tribunal. Il en irait de même en cas d’aveu de faillite tardif ou lorsque les dirigeants ne parviennent pas à renverser certaines présomptions de responsabilités instituées par le législateur. Dans l’hypothèse d’une société à responsabilité illimitée, le patrimoine des actionnaires qui ont reconnu leurs engagements illimités sera affecté au remboursement des dettes de la société. Si l’entreprise est exercée en personne physique, le curateur pourra vendre l’essentiel des actifs du failli (maison, voiture, ordinateurs, …), sauf ce qui est déclaré insaisissable ou sans valeur marchande (chaises, tables, jouets des enfants, nécessaire pour cuisiner, …). Dans cette hypothèse, le solde des dettes qui ne serait pas payé par la vente des actifs du failli pourrait être effacé, si le failli n’a commis aucune faute grave et caractérisée ayant contribué à sa faillite, et ce, pour autant qu’il en ait fait la demande (requête en effacement). Après la faillite, l’entrepreneur ne peut plus travailler Ce mythe est également considéré, à tort, comme un motif justifiant qu’un entrepreneur ne fasse pas aveu de faillite. La faillite n’implique en effet aucune restriction au travail pour le futur (sauf exception, voir infra), pour autant bien entendu que le failli bénéficiait des accès à sa profession et que sa faillite n’entraîne pas d’interdiction de l’ordre professionnel dont il émanerait. Le dirigeant d’une entreprise en faillite ou le failli en personne physique peut immédiatement reprendre une activité professionnelle, quel que soit le statut (indépendant, salarié, fonctionnaire). Dans certaines circonstances, le dirigeant d’une entreprise en faillite ou le failli en personne physique peut reprendre une activité identique, moyennant, par exemple, la reprise du stock et des outils de production, ainsi que des travailleurs, voire la reprise du nom commercial et des droits de propriété intellectuelle. Une telle reprise se négocie généralement avec le curateur. Cependant, tant le Tribunal correctionnel (en cas d’infractions liées à l’état de faillite) que le Tribunal de l’entreprise (en cas de fautes graves et caractérisées ayant contribué à la faillite), peuvent ordonner une interdiction (temporaire) ayant pour effet d’empêcher l’entrepreneur de diriger à nouveau une

Comment dissoudre et liquider son ASBL ?

Dissoudre-liquider-ASBL

Cadre général Les ASBL font partie intégrante du tissu social et économique. Qu’elles poursuivent un but économique ou qu’elles ne procurent ou ne distribuent aucun service ou bien sur le marché, ASBL sont bien des entreprises et sont tenues, à ce titre, de respecter le cadre légal issu du Code des sociétés et des associations, ainsi que les dispositions applicables aux entreprises (pensons notamment aux dispositions du Livre VI du Code de droit économique pour les ASBL concernées, ou le Livre XX du même Code applicable à toutes les ASBL, sans distinction aucune). Comme toute entité juridique, il est parfois nécessaire d’y mettre fin. Pour des raisons propres à l’association elle-même (disparition de l’objet social, absence de subside, difficultés de trésorerie, etc.) ou propres à ses administrateurs, il est nécessaire de mettre fin à l’association, soit en déposant l’aveu de faillite de celle-ci (si les conditions sont réunies), soit en procédant à sa dissolution volontaire avec ou sans liquidation. À l’instar des sociétés, l’ASBL pourrait également être citée en faillite ou en dissolution judiciaire, en matière telle que la fin de l’ASBL pourrait également être du fait d’un tiers (par exemple, un créancier), du Parquet ou de la Chambre des entreprises en difficulté du Tribunal de l’entreprise territorialement compétent. En tant qu’entreprises au sens du Code de droit économique, des règles particulières de gestion s’imposent aux ASBL et à leurs dirigeants. Les dirigeants d’ASBL doivent dès lors être particulièrement attentifs au respect de ces (nouvelles) obligations de gestion. Ils doivent notamment veiller à mettre fin à l’ASBL de manière adéquate et adaptée, afin d’éviter que l’ASBL continue d’exister sans que ces activités se poursuivent (ASBL « coquille vide »). À défaut, la responsabilité personnelle des dirigeants pourrait être engagée, tant par un liquidateur que par un curateur, le cas échéant. Causes de dissolution Le Code des sociétés et des associations (CSA) modernise les dispositions relatives à la dissolution et à la liquidation des ASBL. Le CSA définit trois causes de dissolution spécifiques aux ASBL : Nous n’abordons ici que l’hypothèse de la dissolution volontaire. Dissolution volontaire : une décision de l’Assemblée générale L’ASBL peut être dissoute, à tout moment, par décision de l’Assemblée générale des membres. Cette décision doit être précédée d’une convocation spéciale émanant de l’organe d’administration de l’association qui indique avec précision la volonté de procéder à la dissolution. Pour les grandes associations, la proposition de dissolution doit faire l’objet d’un rapport établi par l’organe d’administration, auquel devra être joint un état contrôlé résumant la situation active et passive de l’association, clôturé à une date ne remontant pas à plus de trois mois avant l’Assemblée appelée à se prononcer sur la proposition de dissolution. Cet état devra être contrôlé par le commissaire, qui devra spécialement indiquer dans son rapport s’il donne une image fidèle de la situation de l’association. Une copie des rapports établis par l’organe d’administration et du commissaire sur l’état comptable sera communiquée aux membres. À défaut, la décision de l’Assemblée générale sera nulle. Dissolution avec ou sans liquidation La dissolution peut soit être suivie par une liquidation, soit être dissoute et liquidée en un seul acte. Dissolution avec liquidation Quorum de présence : Sans préjudice de conditions plus sévères imposées par les statuts de l’association, deux tiers des membres doivent être présents ou représentés à l’Assemblée générale appelée à se prononcer sur la proposition de dissolution. Dans l’hypothèse où l’association ne réunit pas ce quorum, une seconde convocation à une nouvelle Assemblée est adressée aux membres. Cette Assemblée, qui ne pourra être tenue dans un délai inférieur de 15 jours, statuera valablement, quel que soit le nombre de membres présents ou représentés. Quorum de vote : Sans préjudice de conditions plus sévères imposées par les statuts de l’association, la décision de dissolution requiert un vote favorable d’une majorité des quatre cinquièmes des voix des membres présents ou représentés, sans qu’il soit tenu compte des abstentions au numérateur, ni au dénominateur. Désignation d’un liquidateur et opérations de liquidation : En cas de dissolution suivie par une liquidation, l’assemblée générale doit désigner un liquidateur. Le liquidateur a pour mission de liquider l’ASBL, c’est-à-dire notamment réaliser les actifs de l’ASBL, en vue de désintéresser ses éventuels créanciers. Dans le cadre de sa mission, le liquidateur représente l’ASBL à l’égard des tiers, y compris en justice. Dans l’hypothèse où l’actif est présumé être insuffisant pour désintéresser le passif, ou s’il s’agit d’une grande association, la désignation du liquidateur devra être confirmée par le Président du Tribunal de l’entreprise. En cours de liquidation, et au moment de la proposition de clôture de celle-ci, l’Assemblée se prononce sur l’approbation des comptes. Elle statue ensuite par un vote spécial sur la décharge des liquidateurs et, le cas échéant, du commissaire ainsi que sur la clôture de la liquidation. Le liquidateur veillera au préalable à obtenir du Président du Tribunal de l’entreprise l’homologation du plan de répartition des actifs entre les différentes catégories de créanciers, dans l’hypothèse d’une liquidation déficitaire ou dans le cas de la dissolution de grandes associations. Affectation du solde de la liquidation : À défaut de dispositions statutaires, l’affectation du solde de la liquidation est déterminée par l’assemblée générale de l’ASBL, étant entendu que le solde de la liquidation ne peut être distribué ni directement ni indirectement aux membres ou aux administrateurs de celle-ci. Le passif de l’association doit être entièrement apuré avant de procéder à l’affectation du solde de la liquidation. À défaut de décision de l’Assemblée générale ou de l’organe désigné dans les statuts, le liquidateur donne au solde de la liquidation une affectation qui se rapproche autant que possible du but en vue duquel l’association a été constituée. Les membres, les tiers intéressés et le ministère public peuvent se pourvoir devant le tribunal contre la décision des liquidateurs. Dissolution et liquidation en un seul acte Quorum de présence et de vote : La dissolution et liquidation de l’association dans un seul acte est possible pour autant que tous les membres de l’association soient présents ou

Droit des sociétés – abus de biens sociaux

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L’abus de biens sociaux : l’état de nécessité du dirigeant d’entreprise n’est pas une excuse 1) Introduction Si la crise sanitaire relative au Covid-19 n’est pas encore terminée, force est de constater que les conséquences économiques du confinement se font déjà ressentir pour un nombre significatif de dirigeants d’entreprises. Dans un contexte de survie, le dirigeant peut être amené à emprunter de l’argent à sa société. Or, dans certaines circonstances, cette pratique pourrait être considérée comme abusive et sanctionnée au titre d’un abus de biens sociaux, délit sanctionné par l’article 492bis du Code pénal. Il convient donc de l’informer sur ce qui constitue un tel délit, ou non et, de manière plus générale, sur les risques encourus en cas de confusion entre son propre patrimoine privé et celui de la société. 2) Notion La qualification d’abus de biens sociaux est subordonnée à la réunion de quatre conditions cumulatives, éléments constitutifs de l’infraction : Tant la doctrine que la jurisprudence sont unanimes quant à l’interprétation de la notion « d’intention frauduleuse », élément moral de l’infraction. Elle doit être caractérisée. Il s’agit d’un dol spécial c’est-à-dire que l’auteur doit avoir agi avec une intention frauduleuse et à des fins personnelles, directement ou indirectement, tout en sachant que l’usage fait des biens de la personne morale était significativement préjudiciable aux intérêts patrimoniaux de celle-ci et à ceux de ses créanciers ou autres associés. 3) La nécessité de survivre n’exclut pas l’intention frauduleuse : Arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2020 Dans un arrêt du 18 mars 2020, la Cour de Cassation a indiqué que l’intention frauduleuse, ne pouvait être légalement écartée par le seul fait que le gérant, en effectuant des prélèvements sur la trésorerie de la société, répondait à la nécessité d’assurer sa propre subsistance. L’Avocat Général ayant conclu dans cette affaire n’a toutefois pas rendu un avis aussi tranché. Il estimait que les éléments de fait de la cause étaient susceptibles de faire naître un doute sérieux quant à l’existence de l’intention frauduleuse de se procurer un avantage illicite, c’est-à-dire un doute sur la volonté d’utiliser, à des fins personnelles, les biens de la personne morale, en sachant que cet emploi infligerait un préjudice significatif aux intérêts patrimoniaux de la société, de ses créanciers ou de ses associés. En d’autres termes, si la seule nécessité d’assurer sa propre subsistance ne suffit pas à écarter l’abus de biens sociaux, cette nécessité cumulée aux éléments objectifs de l’espèce permettaient de sérieusement douter de l’existence d’une intention frauduleuse chez la dirigeante d’entreprise poursuivie. En l’espèce, il était question d’une dirigeante d’entreprise qui n’avait pas perçu de rémunération déclarée et dont les montants et avantages perçus avaient été inscrits pendant trois ans dans son compte courant comme autant de dettes contractées à l’égard de la société. La nécessité de survivre n’écarte pas en soi l’intention frauduleuse mais en l’occurrence, elle s’ajoutait à des éléments la mettant sérieusement en doute. 4) L’inscription en compte courant n’exclut pas l’intention frauduleuse Dans un jugement rendu le 25 janvier 2012, le Tribunal correctionnel de Bruxelles a estimé que les éléments constitutifs du délit d’abus de biens sociaux pouvaient être réunis même dans l’hypothèse où le dirigeant prélève des fonds de sa société tout en les inscrivant en compte courant. Le Tribunal a en effet considéré que « l’inscription en compte courant des prélèvements ainsi effectués, bien que comptablement, sans doute correcte, ne rend en effet pas disponible le montant correspondant dont la société a besoin pour fonctionner et n’enlève rien au caractère illicite des faits, et ce quand bien même la situation aurait-elle été régularisée par la suite ». Il convient toutefois de souligner que les circonstances de l’espèce étaient fondamentalement différentes de celles ayant abouti à l’arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2020 dans la mesure où dans cette seconde affaire, les prévenus se prévalaient de l’inscription en compte courant des sommes prélevées à la société alors qu’en réalité, ils constituaient des sociétés dans le seul but de les revendre immédiatement après les avoir vidées de leur capital social. 5) Conclusion Il ressort de ce qui précède que l’état de nécessité dans lequel se trouverait un dirigeant d’entreprise ne suffit pas à le soustraire au reproche d’un abus délictuel de biens sociaux au détriment de la société dont il est actionnaire et qu’il dirige, même s’il n’a nullement cherché à dissimuler les prélèvements opérés. La condition essentielle prise en considération pour établir l’infraction sera la connaissance de l’usage significativement préjudiciable aux intérêts patrimoniaux de la société, de ses créanciers ou de ses associés. Si un doute quant à la connaissance de cet usage préjudiciable est établi, il profitera à la personne poursuivie. Xavier Ibarrondo Paul Moreno

Démission d’un administrateur : Publication au Moniteur belge

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Il est possible dorénavant pour l’administrateur démissionnaire de faire publier lui-même la fin de son mandat. Les membres des organes de gestion d’une société lorsqu’ils sont désignés par l’assemblée générale voient leur fonction publiée aux Annexes du Moniteur belge. De cette manière, le législateur entend rendre public le mandat de ces personnes et aussi rendre leur intervention au nom de la société opposable aux tiers. En cas de démission d’un administrateur, la publication de celle-ci est également obligatoire et repose légalement, en principe, sur les épaules des mandataires restant ou nouveaux de la société. Avant l’entrée en vigueur du nouveau Code des sociétés et des associations (1er mai 2019), il était impossible, sauf par une action en justice, de procéder soi-même à cette publication en cas de démission. Cela donnait lieu à des litiges lorsque par méconnaissance, maladresse ou malveillance, un administrateur démissionnaire voyait toujours son nom figurer dans les publications légales parfois des mois, voire des années après sa démission avec les conséquences que l’on imagine sur les questions relatives, notamment, à la responsabilité des administrateurs. Le nouveau code des sociétés et des associations apporte une solution pratique à ce problème. Tout administrateur peut démissionner par simple notification à l’organe d’administration. A la demande de la société, il reste en fonction jusqu’à ce que la société puisse raisonnablement pourvoir à son remplacement. Et il peut dorénavant, lui-même, faire tout ce qui est nécessaire pour rendre la fin de son mandat opposable aux tiers aux conditions prévues à l’article 2:18, c’est-à-dire en demandant au greffe du Tribunal de l’entreprise de procéder à la publication de cette démission aux Annexes du Moniteur belge. On retrouve cette disposition pour les SRL à l’article 5.70, §4 du CSA, pour les Scoop à l’article 6 :58, §4 du CSA et aux articles 7 :85, §4 et 7 :105, §5 pour les SA. Xavier Ibarrondo

Vente immobilière par le curateur : le paiement du précompte immobilier

Cabinet d'avocats NOVALIS à Bruxelles et Nivelles

1. Cadre général Le précompte immobilier est un impôt régional annuel sur les biens immobiliers, à charge des détenteurs de droits réels immobiliers (personne physique ou entreprise). La faillite du titulaire de droits réels immobiliers ne met pas fin à l’obligation de payer annuellement le précompte immobilier, qui sera dû jusqu’à la réalisation du patrimoine immobilier, excepté le cas où le curateur aura obtenu de l’Administration l’exonération du précompte immobilier (demande à introduire chaque année). Dans pareille hypothèse, le curateur sera attentif à la qualification et au statut de la dette de précompte immobilier dans ses opérations de liquidation du patrimoine immobilier, et attirera, le cas échéant, l’attention du Notaire au moment des opérations d’ordre. 2. Le précompte immobilier est une dette de la masse Les obligations contractées qualitate qua par le curateur, en vue de l’administration de la masse (poursuite d’activité, par exemple), constituent des dettes de la masse, au même titre que les obligations légales et fiscales nées après le jugement déclaratif de faillite. La Cour de cassation considère, à propos de l’impôt annuel sur les revenus des propriétés foncières, qu’il s’agit d’une dette inhérente à la jouissance du bien, fût-il ou non donné en location, de sorte qu’il constitue inévitablement une dette de la masse (Cass., 16 juin 1988). 3. Le précompte immobilier doit être supporté par la masse La qualification de dette de la masse entrainera l’obligation, dans le chef du curateur, de payer celle-ci en priorité, avant toute autre répartition. La question est de savoir s’il appartient au créancier nanti d’une sureté réelle – dont l’assiette est pourtant hors masse – de supporter le précompte immobilier dû pour la période après faillite, ou si le paiement de cette dette d’impôt devra être imputé sur le prix de réalisation du gage commun des créanciers ? En d’autres termes, les dettes de masse priment-elles les dettes hors masse ? Cette question appelle une réponse nuancée en droit des sûretés : le créancier de la masse ne pourrait être préféré au créancier hors masse (titulaire d’une hypothèque, d’un gage ou d’un privilège spécial) que dans l’hypothèse où la dette de masse ait contribué au maintien et à la réalisation de l’assiette du créancier hors masse. Or, pour ce qui concerne la dette de précompte immobilier, la doctrine et la jurisprudence affirment unanimement que celle-ci ne pourrait être payée au détriment des créanciers hors masse, puisqu’elle ne leur profite pas. En conséquence, la dette de masse, constituée par le précompte immobilier, devra être payée grâce au produit de réalisation des actifs constituant le gage commun des créanciers chirographaires et privilégiés généraux (diminués des honoraires du curateur) et non par le produit de la vente immobilière affectée intégralement au remboursement de la créance hypothécaire. C’est ce que rappelle le tribunal de l’entreprise du Hainaut, division de Charleroi, dans son jugement du 22 juillet 2020 (inédit) : « Les précomptes immobiliers ne peuvent donc être déduits du solde distribuable résultant de la vente des immeubles et devront en conséquence être supportés par la masse, après paiement du créancier hypothécaire et des autres créanciers spéciaux ». Les créanciers de la faillite (spécialement les créanciers hypothécaires) ainsi que les acheteurs seront attentifs au traitement de cet impôt dans le projet d’acte d’ordre du notaire et dans le projet de compte de clôture du curateur. Yannick ALSTEENSClémentine MALSCHALCK

Faillite : les délais d’appel et d’opposition

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En matière de faillite, lorsque celle-ci est prononcée par défaut, l’entreprise déclarée en faillite dispose de deux voies de recours : l’opposition et l’appel. Opposition Dans le droit commun, seuls les jugements rendus pas défaut en dernier ressort peuvent être frappés d’opposition (article 1047 du Code judiciaire), sauf exception. Autrement dit, si un jugement peut être frappé d’appel, il n’est en principe pas susceptible d’opposition depuis la réforme du Code judiciaire en 2017. Le Livre XX du code de droit économique déroge à ce principe et autorise l’opposition contre un jugement déclaratif de faillite (article XX.108 § 2 du Code de Droit Economique). L’opposition doit être formée, à peine d’irrecevabilité, dans un délai de quinze jours (15) à partir de la signification du jugement déclaratif de faillite laquelle intervient à l’initiative du curateur. Appel Un appel peut toujours être interjeté contre un jugement déclaratif de faillite par l’entreprise déclarée en faillite. Cet appel doit être formé dans les quinze jours (15) à dater de la publication de l’extrait du jugement au Moniteur belge laquelle intervient également à l’initiative du curateur. Peut-on faire appel d’un jugement de faillite lorsque le délai d’opposition a expiré, mais que le délai d’appel ne l’est pas encore ? La Cour d’appel de Mons a rendu un arrêt le 2 avril 2019 répondant par la négative. Le jugement déclaratif de faillite datait du 23 octobre 2018.Il fut signifié par le curateur le 2 novembre 2018.Il fut publié au Moniteur belge le 29 novembre 2018. L’appel est interjeté le 12 décembre 2018, soit plus de quinze jours après la signification par le curateur, mais moins de quinze jours après la publication au Moniteur belge. La Cour d’appel de Mons a déclaré l’appel irrecevable au motif que le jugement du 23 oc-tobre 2018 n’est plus susceptible d’opposition et que par conséquent, il est passé en force de chose jugée. Dans un arrêt du 10 avril 2020 (C.19.0300.F/1), la Cour de cassation s’est prononcée en sens contraire. Pour la Cour de cassation, « aux termes de l’article 28 du Code judiciaire, toute décision passe en force de chose jugée dès qu’elle n’est plus susceptible d’opposition ou d’appel, sauf les exceptions prévues par la loi et sans préjudice des effets des recours extraordinaires. Il suit de cette disposition qu’une décision ne passe pas en force de chose jugée tant qu’elle demeure susceptible d’opposition ou d’appel. » Après avoir rappelé qu’en vertu de l’article XX.108, § 2, du Code de droit économique, le jugement déclaratif de faillite est susceptible d’opposition si l’opposition est formée dans les quinze jours de la signification du jugement, la Cour rappelle, à juste titre que le § 3 du même article dispose que le délai pour interjeter appel du jugement est de quinze jours à compter de la publication au Moniteur belge. La Cour de cassation estime que l’arrêt de la Cour d’appel de Mons qui déclare l’appel irrecevable au motif que le délai d’opposition est écoulé et que le jugement déclaratif de faillite aurait acquis la force de chose jugée viole les articles 28 du Code judiciaire et XX.108, § 3, alinéa 4, du Code de droit économique. Le principe est donc aujourd’hui clair : un jugement déclaratif de faillite est susceptible d’opposition dans les quinze jours de sa signification au failli par le curateur ou d’appel dans les quinze jours de la publication du jugement au Moniteur, même si le délai d’opposition est entièrement écoulé au moment de l’appel et à condition, bien sûr, que cet appel intervienne dans les quinze jours de la publication. Xavier IBARRONDO Yannick ALSTEENS

SRL & SC : Démission et exclusion des actionnaires

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Le nouveau Code des Sociétés et des Associations présente une grande nouveauté dans le régime de la SRL par rapport à celui de l’ancienne SPRL en matière de « mobilité » des actionnaires. La démission et l’exclusion d’un associé, à charge du patrimoine social sont à présent possibles dans une SRL si les statuts le prévoient, comme c’était légalement déjà le cas pour une SC (Société coopérative). Les dispositions qui permettent ces démissions et exclusions sont supplétives pour la SRL. Elles devront donc figurer explicitement dans les statuts alors que pour la SC, la démission et l’exclusion font partie intégrante des dispositions impératives du Code, les associés n’ayant pas le droit de les écarter au moment de la rédaction des statuts. Dans une SRL, un associé a dorénavant le droit de se retirer et de se voir rembourser la valeur de son apport aux conditions que nous allons examiner. La SRL peut aussi se doter d’un système d’exclusion pour justes motifs de certains associés, décidée par l’assemblée générale, ainsi que prévoir la démission de plein droit. Démission Les statuts de la SRL peuvent dorénavant prévoir qu’un actionnaire a le droit de démissionner à charge du patrimoine social. Ils doivent régler les modalités de cette démission. Pour la SC cette faculté est légale et même impérative. Même si les statuts disent le contraire, la démission des fondateurs ne sera autorisée qu’à partir du troisième exercice suivant la constitution. Sauf disposition contraire des statuts, • les actionnaires ne peuvent démissionner que pendant les six premiers mois de l’exercice social;• un actionnaire démissionne pour l’ensemble de ses actions, qui seront annulées;• la démission prend effet le dernier jour du sixième mois de l’exercice, et la valeur de la part de retrait doit être payée au plus tard dans le mois qui suit;• le montant de la part de retrait pour les actions pour lesquelles l’actionnaire concerné demande sa démission est équivalant au montant réellement libéré et non encore remboursé pour ces actions, sans cependant être supérieur au montant de la valeur d’actif net de ces actions telle qu’elle résulte des derniers comptes annuels approuvés; Le montant auquel l’actionnaire a droit au moment de sa démission constitue une distribution et sera donc soumise, comme telle, au double test de distribution (solvabilité et liquidité) sur lequel nous reviendrons dans un prochain article. Nonobstant toute disposition statutaire contraire, si la part de retrait ne peut pas être payée, en tout ou partie, en application des règles limitant la distribution, le droit au paiement est suspendu jusqu’à ce que les distributions soient à nouveau permises. Le montant restant dû sur la part de retrait est payable avant toute autre distribution aux actionnaires. Aucun intérêt n’est dû sur ce montant. Ce n’est donc que si la société est en bonne santé financière que la démission pourra donner lieu à un remboursement effectif de la valeur de l’apport. L’organe d’administration fera rapport à l’assemblée générale ordinaire des demandes de démission intervenues au cours de l’exercice précédent. Ce rapport contiendra au moins l’identité des actionnaires démissionnaires, le nombre et la classe d’actions pour lesquelles ils ont démissionné, le montant versé et les autres modalités éventuelles, le nombre de demandes rejetées et le motif du refus. L’organe d’administration met à jour le registre des actions. Y sont mentionnés plus précisément: les démissions d’actionnaires, la date à laquelle elles sont intervenues ainsi que le montant versé aux actionnaires concernés. Les démissions et les modifications statutaires qui en découlent sont établies, avant la fin de chaque exercice, par un acte authentique reçu à la demande de l’organe d’administration. Exclusion Dans la SRL, les statuts peuvent dorénavant prévoir également qu’un actionnaire peut être exclu pour de justes motifs ou pour tout autre motif indiqué dans les statuts. Ce mécanisme est de droit dans la SC. La proposition motivée d’exclusion dont on imagine qu’elle émane de l’organe de gestion, est communiquée à l’actionnaire visé. Dans la SRL, seule l’assemblée générale est compétente pour prononcer une exclusion. Dans le régime de la SC, ce pouvoir peut être délégué par les statuts à l’organe d’administration. L’actionnaire visé par le projet d’exclusion doit être invité à faire connaître ses observations par écrit et suivant les mêmes modalités à l’assemblée générale ou à l’organe d’administration, dans le mois de la communication de la proposition d’exclusion. L’actionnaire doit être entendu à sa demande et toute décision d’exclusion est motivée. L’organe d’administration communique dans les quinze jours à l’actionnaire concerné la décision motivée d’exclusion prise par l’assemblée générale (SRL et SC) ou par l’organe de gestion lui-même (SC si les statuts ont délégué ce pouvoir de l’AG à l’organe de gestion). Il inscrit celle-ci dans le registre des actions. Sauf disposition statutaire contraire, l’actionnaire exclu recouvre la valeur de sa part de retrait. Les actions de l’actionnaire exclu sont annulées. Les statuts pourraient donc prévoir qu’en cas d’exclusion, l’actionnaire n’a droit à rien ou à un montant déterminé alors qu’en cas de démission cette valeur est fixée par la loi. L’organe d’administration met à jour le registre des actions. Y sont mentionnés plus précisément: les exclusions d’actionnaires, la date à laquelle elles sont intervenues ainsi que le montant versé aux actionnaires concernés. Les exclusions et les modifications statutaires qui en découlent sont établies, avant la fin de chaque exercice, par un acte authentique reçu à la demande de l’organe d’administration. Démission de plein droit Dans la SRL, les statuts peuvent enfin dorénavant prévoir qu’en cas de décès, de faillite, de déconfiture, de liquidation ou d’interdiction d’un actionnaire, celui-ci est réputé démissionnaire de plein droit à cette date. L’actionnaire, ou, selon le cas, ses héritiers, créanciers ou représentants, recouvrent la valeur de sa part de retrait comme en matière de démission. Dans la SC, cette disposition est inscrite dans la loi mais les statuts peuvent y déroger. Les actionnaires démissionnaires ou, en cas de décès, de faillite, de déconfiture, de liquidation ou d’interdiction d’un actionnaire, ses héritiers, créanciers ou représentants ne pourront pas provoquer la liquidation de la société. Les statuts

Droit de l’insolvabilité : l’arrêté royal n°15 relatif au sursis temporaire

Droit-insolvabilité-arrêté-royal-n°15-sursis-temporaire

La crise économique engendrée par la crise sanitaire n’en est qu’à ses balbutiements, mais déjà de nombreuses entreprises connaissent de graves difficultés financières qui menacent leur continuité. Afin de permettre aux entreprises de faire face à ces difficultés et d’éviter la faillite, le législateur a introduit un nouvel outil pour protéger les entreprises « dont la continuité est menacée par l’épidémie ou la pandémie de COVID−19 et ses suites et qui n’étaient pas en état de cessation de paiement à la date du 18 mars 2020 » : un sursis légal (moratoire) d’une durée à déterminer (à ce stade, jusqu’au 17 mai 2020 – mise à jour : prolongé jusqu’au 17 juin 2020), sur le modèle de ce que prévoit les articles XX.50 et XX.51 Code de droit économique dans le cadre d’une procédure de réorganisation judiciaire (PRJ). Concrètement, l’Arrêté royal n°15 publié ce 24.04.2020 prévoit notamment ce qui suit, durant la période du sursis : Le Président du tribunal de l’entreprise compétent peut néanmoins lever ce sursis sur demande de toute partie intéressée (par exemple un créancier), en tenant compte, « entre autres, du fait que, à la suite de l’épidémie ou la pandémie de COVID−19, le chiffre d’affaires ou l’activité du débiteur a fortement diminué, qu’il y a eu recours total ou partiel au chômage économique, et que l’autorité publique a ordonné la fermeture de l’entreprise du débiteur, ainsi que des intérêts du requérant. » Ces mesures, prises dans une relative urgence, doivent néanmoins être lues en combinaison avec les dispositions du Livre XX du Code de droit économique relatives à l’insolvabilité des entreprises. En particulier, ce sursis automatique pourrait être mis à profit pour réorganiser l’entreprise, par exemple : Indépendamment des initiatives prises par le législateur, il est essentiel que chaque entreprise s’interroge sur les mesures concrètes qu’elle souhaite mettre en place pour garantir sa continuité. Yannick Alsteens

Une garantie d’Etat pour certains crédits dans la lutte contre les conséquences du COVID-19

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Le 27 mars 2020, le Parlement avait adopté la loi « donnant habilitation au roi d’octroyer une garantie d’Etat pour certains crédits dans la lutte contre les conséquences du coronavirus et modifiant la loi du 25 avril 2014 relative au statut et au contrôle des établissements de crédits et des sociétés de bourse », afin de mettre en œuvre le régime de garantie pour les nouveaux crédits pour les entreprises non financières et les indépendants. Nous vous en parlions dans notre news du 2 avril. L’arrêté royal publié ce 15 avril 2020 précise les contours de la mesure. Nous vous en livrons quelques points essentiels. Mesure automatique La garantie d’Etat s’applique de plein droit pour les crédits qui entrent dans son champ d’application.Ainsi que le précise le Rapport au Roi, « il ne s’agit donc pas en principe d’une règlementation  » opt-in  » ou  » opt-out » ». Crédits garantis, crédits exclus La mesure vise les crédits accordés à partir de la date d’entrée en vigueur de l’arrêté royal jusqu’au 30 septembre 2020, d’une durée maximale d’un an. L’AR étend la mesure aux crédits d’une durée indéterminée qui peuvent être résiliées par le prêteur ou par l’emprunteur endéans les 12 mois après leur octroi, ainsi qu’aux crédits qui sont remboursés avant le 30 septembre 2020. Sont en revanche exclus de la garantie : – Les refinancements (sauf les refinancements des crédits visés par la garantie) ;– Les nouveaux prélèvements sur des crédits antérieurs ;– Les crédits dont l’utilisation est prévue exclusivement pour des « activités non belges de la personne concernée »– Les crédits « spécifiquement identifiés par le prêteur » au moment de leur octroi. Sont également exclus : – Les contrats de location-financement ;– Les contrats d’affacturage ;– Les crédits à la consommation et des crédits hypothécaires. Emprunteurs visés : viabilité et difficultés financières liées à la crise La garantie d’Etat vise toutes les entreprises non financières inscrites à la BCE. Si la Loi imposait de limiter la mesure aux entreprises viables, l’AR met également l’accent sur l’origine des difficultés, qui doivent évidemment être liées à la crise actuelle. Sont donc exclues : – Les entreprises qui présentaient, sur leurs crédits en cours, impôts ou contributions de sécurité sociale, soit un retard de paiement au 1er février 2020, soit un retard de paiement de plus de 30 jours au 29 février 2020 ;– Les entreprises pour lesquelles une procédure de restructuration de crédit active était en cours auprès d’un ou plusieurs établissements de crédit le 31 janvier 2020 ;– Les entreprises qui, sur la base des informations disponibles, doivent être considérées comme en difficulté. Il est précisé dans le rapport au Roi que les prêteurs peuvent, pour autant qu’ils n’ont pas ou ne devraient raisonnablement pas avoir connaissance d’une information contradictoire à cet égard, se baser sur une déclaration signée par cette entreprise. Montant de la garantie et montant du crédit La Loi limitait le montant total en principal des crédits garantis à 50 milliards d’euros. L’AR instaure un système de portefeuille de crédits par établissement de crédit, dont le montant est calculé proportionnellement au montant des crédits octroyés par l’établissement et couverts par la mesure. Le portefeuille ne peut pas dépasser 50 millions d’euros. Par ailleurs, l’AR précise que les crédits garantis ne peuvent dépasser les besoins de liquidité de l’emprunteur pour ses activités pour une période de 18 mois (pour les PME) ou de 12 mois (pour les autres entreprises) à dater de la date envisagée de l’octroi du crédit (ce montant est calculé et justifié par l’emprunteur). L’AR précise ce qu’il en est pour les accessoires : la garantie couvre les intérêts à concurrence de maximum 1,25% l’an sur le principal effectivement prélevé et la « prime » imputée à l’emprunteur par le prêteur (et due par le prêteur à l’Etat dans le cadre de la garantie au moment de l’octroi du crédit). Intérêts et frais : le bénéfice de la garantie doit être répercuté totalement sur l’emprunteur Le rapport au Roi l’annonce : le but est de faire bénéficier l’emprunteur de la mesure. La banque doit donc respecter le taux d’intérêt maximal garanti, soit 1,25 % l’an sur le principal prélevé et l’emprunteur a droit au remboursement des intérêts payés dépassant ce maximum, ainsi que des primes payées au-delà de ce qu’impose l’AR, augmentés du taux d’intérêt légal depuis le moment des paiements d’intérêt. Garantie résiduaire et subsidiaire Seule la perte définitive est garantie et d’autre part qu’elle est subsidiaire dans l’hypothèse où d’autres garanties publiques similaires sont accordées quant aux pertes d’un prêteur. Règles anti-contournement Enfin, l’AR prend soin d’édicter des mesures destinées à éviter le contournement des limites qu’il impose, dans un sens comme dans l’autre. Ainsi, il est notamment rappelé que les banques sont tenues d’appliquer les bonnes pratiques en matière d’octroi de crédit, en ce compris en ce qui concerne l’obtention de sûretés, selon les conditions du marché et conformément à leurs pratiques existantes avant l’entrée en vigueur de la loi. L’AR prévoit d’ailleurs spécifiquement des possibilités de réduction ou de déchéance de la garantie pour la banque. De manière plus générale, les banques doivent s’abstenir de pratiques qui visent principalement à se placer ou à placer des emprunteurs ou des crédits dans le champ d’application de la garantie ou, au contraire, hors de son champ d’application. Du côté des emprunteurs, l’AR leur impose de ne pas solliciter un crédit garanti alors qu’ils savent ou doivent savoir qu’ils ne satisfont pas aux conditions d’application, de fournir les informations et faire les déclarations, imposées par le présent arrêté, de manière fidèle à la réalité ; et d’utiliser le crédit garanti uniquement principalement (voir ci-dessus) pour le financement de leurs activités en Belgique. Comme les banques, ils doivent s’abstenir de pratiques qui visent à contourner le champ d’application de la mesure, que ce soit pour y faire entrer des situations qui y sont en principe étrangères ou au contraire l’éviter. Le non-respect de ces obligations tant par les prêteurs que les emprunteurs

Crise sanitaire – Les outils du droit de l’insolvabilité comme solution ?

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1. Présentation Les conséquences de la crise sanitaire que nous connaissons se font déjà sentir pour les entreprises dont la fermeture est imposée, mais les répercussions seront lourdes et durables sur de très nombreuses entreprises, dont la continuité n’était pourtant auparavant pas menacée. Indépendamment des outils qui seront prochainement mis en place (mise à jour : mis en place à partir de ce 24.04.2020), dans l’urgence, par le gouvernement, notre législation contient déjà des outils et mesures destinés aux entreprises dont la continuité est menacée (indépendamment du coronavirus) : Loi relative à la continuité des entreprises (LCE), dont les mécanismes ont été intégrés au Livre XX du Code de droit économique. 2. Outils du droit de l’insolvabilité existants Voici quelques-uns des outils existants, qui peuvent être cumulés ou adaptés au gré des besoins de l’entreprise : a. Médiateur d’entreprise Base légale Les articles XX.36 et suivants du Code de droit économique prévoient que toute entreprise peut demander la désignation d’un médiateur (praticien de l’insolvabilité). Procédure et fonctionnement du médiateur d’entreprise La désignation du médiateur et ses actions se font en toute confidentialité, par le biais d’une requête unilatérale déposée au greffe. Le tribunal désigne le médiateur de son choix, qui peut être suggéré par l’entreprise. Effets et objectif du médiateur Le médiateur pourra aider à conclure les accords amiables nécessaires avec des créanciers particuliers, préparer un transfert d’entreprise sous autorité de justice (PRJ par transfert), voire préparer les documents, procédures et analyses en vue d’une cession prepack. Le médiateur est au service de l’entreprise, et agit comme tiers indépendant désigné par le tribunal, ce qui peut faciliter les discussions et négociations avec les créanciers (banques, fournisseur essentiel, bailleurs …), de manière strictement confidentielle, en dehors d’une procédure publique. Dans le cadre d’une restructuration d’un groupe de sociétés, avec une composante internationale, le médiateur peut participer à une coopération avec des intervenants étrangers (juges, médiateurs, …), en collaboration avec le tribunal qui l’a désigné, et l’entreprise en restructuration. Concrètement, dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, cette procédure informelle peut être mise en place immédiatement, dès lors qu’elle pourrait permettre de passer au travers des difficultés en toute discrétion, et sans procédure de réorganisation judiciaire publique. La désignation du médiateur n’implique aucune modification dans la manière dont la société doit être dirigée par ses dirigeants : il n’y a aucun dessaisissement. Pour qui Toute entreprise (société, asbl, …) qui souhaite obtenir de l’aide d’un tiers compétent dans le cadre de sa restructuration. La continuité de l’entreprise ne doit pas spécialement être gravement ou irrémédiablement menacée, mais doit souhaiter pouvoir se réorganiser. b. Accord amiable hors procédure Base légale de l’accord amiable hors procédure Les articles XX.37 et suivants du Code de droit économique prévoient la possibilité pour une entreprise de proposer à tous ses créanciers ou à deux au moins d’entre eux un accord amiable en vue de la réorganisation de de tout ou partie de ses actifs ou de ses activités. Procédure et fonctionnement de l’accord amiable hors procédure Aucune modalité procédurale n’est imposée pour la conclusion de tels accords. Les parties conviennent librement de la teneur de cet accord, qui n’oblige pas les tiers. Si cet accord est constaté par un écrit mentionnant et motivant son utilité en vue de la réorganisation de l’entreprise, qu’il comporte une clause expresse de confidentialité et une clause expresse d’indivisibilité, et qu’il est déposé le registre de la solvabilité (REGSOL), il ne peut être remis en cause par les tiers (vor ci-dessous). Le dépôt et le contenu d’un tel accord sont confidentiels : il n’est pas publié et les tiers ne peuvent pas avoir connaissance et/ou accès à l’accord qu’avec l’accord de l’entreprise. Effets et objectif de l’accord amiable Les accords qui respectent les conditions précisées ci-dessus ne peuvent être remis en cause par les tiers (créanciers, curateur, …), à l’occasion d’une faillite subséquente éventuelle : action paulienne, action en inopposabilité des actes, … L’objectif est donc de sécuriser des accords et paiements qui, sans cette procédure, pourraient éventuellement être remis en cause par des tiers en cas de faillite subséquente. Cela permet de maintenir la confiance des co-contractants et créanciers dans une entreprise dont la continuité n’est pas garantie. Pour qui Toute entreprise (société, asbl, …) qui souhaite sécuriser des actes dans le cadre de sa restructuration. La continuité de l’entreprise ne doit pas spécialement être gravement ou irrémédiablement menacée, mais doit souhaiter pouvoir se réorganiser. c. Procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) par accord collectif Base légale de la PRJ par accord collectif Les articles XX.67 et suivants du Code de droit économique organisent la procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif (PRJ par accord collectif). Procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif : procédure et fonctionnement L’entreprise qui souhaite se voir octroyer le bénéfice de la PRJ par accord collectif doit déposer une requête unilatérale dans le Registre de la solvabilité (REGSOL). Cette requête doit indiquer la nature et l’ampleur des difficultés que connaitre l’entreprise en vue de démontrer que sa continuité est menacée. La requête doit également contenir une situation comptable récente, validée par un professionnel du chiffre, ainsi qu’un budget prévisionnel pour la durée du sursis envisagé. La requête doit en outre contenir la liste (et coordonnées) de l’ensemble des créanciers (fournisseurs, créanciers institutionnels, banques, bailleurs, travailleurs …) et la preuve de ce que les travailleurs ont été informer de l’introduction prochaine d’une procédure de réorganisation judiciaire. PRJ : éffets et objectif Dès le dépôt de la requête, et en attendant son traitement par le tribunal, l’entreprise ne peut être déclarée en faillite ni être dissoute judiciairement. En outre, aucune réalisation des biens meubles ou immeubles ne peut avoir lieu, sauf si le jour de vente est déjà fixé dans les 2 mois à dater du dépôt de la requête. Si, après examen du tribunal, la procédure est ouverte, l’entreprise bénéficie d’un sursis (d’une durée de l’ordre de 3 à 6 mois (maximum 6 mois, prorogeable)). Durant le sursis, outre le fait que l’entreprise ne peut pas être déclarée en

Sociétés anonymes : l’Assemblée Générale annuelle à l’heure du confinement

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Position de la question Les sociétés ont l’obligation de tenir annuellement une Assemblée Générale de leurs actionnaires ayant pour mission d’approuver les comptes annuels et de se prononcer sur la décharge des administrateurs et commissaires. Cette Assemblée Générale a le plus souvent lieu entre les mois d’avril et de juin, dès lors que la plupart des sociétés tiennent une comptabilité par année civile (l’exercice comptable commence le 1er janvier et se termine le 31 décembre de la même année) et que l’Assemblée Générale doit se tenir au plus tard dans les six mois de la fin de l’exercice comptable. La période des Assemblées Générales annuelles approche donc à grands pas et les mesures exceptionnelles prises dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, caractérisée par le confinement à domicile de tous les citoyens qui ne justifient pas d’un « bon motif » pour se déplacer, suscitent l’interrogation légitime des sociétés quant à la tenue effective de ces assemblées. Si l’assistance à une Assemblée d’actionnaires n’est pas considérée comme un motif valable de déplacement, les sociétés ne peuvent toutefois pas interdire à leurs actionnaires d’y assister physiquement. Les solutions apportées par le Code des sociétés et des associations Diverses dispositions du Code des sociétés et des associations permettent déjà de remédier aux conséquences du confinement sur la tenue des Assemblées Générales d’actionnaires: 1 . La participation à distance Le Code prévoit la possibilité de participer à l’Assemblée Générale à distance grâce à un moyen de communication électronique ou en votant par écrit avant l’Assemblée, à condition de pouvoir identifier l’actionnaire. Ces facultés et les modalités de leur exercice doivent toutefois avoir été prévues statutairement. A défaut, les actionnaires pourront recourir soit au vote par procuration, soit à la prorogation de l’Assemblée, soit à son ajournement. 2 . Le vote par procuration  Il est toujours possible pour les actionnaires de voter par le biais d’une procuration dûment datée et signée, jointe à la convocation à l’Assemblée Générale, permettant ainsi de limiter le nombre de personnes devant se déplacer. Idéalement, la procuration doit reprendre pour chaque point de l’ordre du jour, le sens du vote de l’actionnaire. Le renvoi d’une procuration n’interdit toutefois pas la présence physique de l’actionnaire à l’Assemblée auquel cas il récupère son droit de vote. 3 . La prorogation de l’Assemblée Le droit de prorogation appartient à l’organe de gestion de la société et ne vaut que pour les Assemblées Générales annuelles. Il permet à l’organe de gestion, lorsque l’intérêt de la société le requiert, de proroger, séance tenante (c’est-à-dire après que l’Assemblée Générale ait été constituée) la décision relative à l’approbation des comptes annuels à trois semaines. Le report peut aller jusqu’à cinq semaines dans les sociétés cotées. S’il est fait usage de cette prérogative, le Président de l’Assemblée Générale est tenu d’y donner suite. L’exercice de cette faculté par l’organe de gestion de la société a pour conséquence la suppression des points de l’ordre du jour qui concernent l’approbation des comptes annuels et des autres points inscrits à l’ordre du jour y relatifs. Cette prorogation n’annule toutefois pas les autres décisions prises à moins que l’Assemblée Générale n’en décide autrement. L’Assemblée Générale organisée en raison du report doit faire l’objet de nouvelles convocations et doit à tout le moins contenir les points figurant à l’ordre du jour de l’assemblée générale reportée. Les procurations émises pour la première Assemblée Générale restent valables s’il n’y a pas de nouveaux points inscrits à l’ordre du jour. L’Assemblée Générale annuelle ne peut être reportée qu’une seule fois et l’exercice du droit de prorogation par l’organe de gestion n’interrompt pas le délai endéans lequel les comptes annuels doivent être approuvés. Il convient donc de veiller à ce que l’approbation des comptes annuels intervienne dans le délai légal nonobstant la prorogation. Or, dans la mesure où il n’existe à l’heure actuelle aucune certitude quant à la durée exacte du confinement, la prorogation de la décision d’approbation des comptes annuels pourrait s’avérer insuffisante. 4 . L’ajournement de l’Assemblée L’ajournement peut être sollicité pour tout type d’Assemblée Générale (ordinaire, extraordinaire ou particulière). Cette démarche qui relève de l’organe de gestion de la société (ou du commissaire) peut être exercée même dans l’hypothèse où l’Assemblée aurait déjà été convoquée mais à la condition que celle-ci n’ait pas encore commencé. La décision d’ajournement appartient, in fine, à l’Assemblée Générale qui, concrètement, décide de s’ajourner elle-même. La convocation à l’Assemblée Générale doit donc à la fois faire état de la date initiale de convocation et de la décision d’ajournement. Une nouvelle date sera alors fixée ultérieurement par l’organe de gestion, ce qui nécessite d’établir une procuration. A nouveau, il est essentiel de garder à l’esprit que cette décision d’ajournement ne suspend pas le délai de six mois prescrit par le Code des sociétés. Il faut donc s’assurer que le délai légal d’approbation des comptes annuels soit respecté malgré l’ajournement. Conclusion En conclusion, la participation à distance est une solution viable mais doit être prévue statutairement. A défaut, les actionnaires pourront toujours décider de recourir au vote par procuration. Enfin, le report ou l’ajournement constituent des alternatives intéressantes à la condition de veiller à ce que l’Assemblée Générale suivante soit organisée dans le délai légal. En ce qui concerne la réunion du conseil d’administration, rien ne s’oppose en l’état actuel de la législation à l’organisation de réunions à distance étant entendu que seules les décisions prises à l’unanimité peuvent l’être par écrit (échange de mails par exemple). S’il y a une voix discordante au sein d’un conseil d’administration, la décision des administrateurs doit être exprimée « oralement » ce qui posera, le cas échéant, des questions relatives à la validité de la réunion et au contrôle des présences et des votes exprimés. Il convient toutefois d’indiquer qu’un Arrêté Royal a été annoncé et qu’il pourrait simplifier certaines des mesures expliquées plus haut. Xavier Ibarrondo Paul Moreno

AFFAIRE PLESSERS : COUP D’ARRÊT POUR LA PRJ PAR TRANSFERT ?

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LA PRJ PAR TRANSFERT ET LA CCT N° 102 La loi relative à la continuité des entreprises imposait aux partenaires sociaux de conclure une convention collective de travail en vue d’encadrer les modalités du transfert des droits et obligations des travailleurs concernés par un transfert d’entreprise sous autorité de justice (PRJ par transfert). C’est dans ce contexte qu’a été conclue la CCT n°102 au sein du Conseil national du travail le 5.11.2011. Cette convention collective de travail autorise le repreneur à choisir les travailleurs qu’il souhaite reprendre dans le cadre de la PRJ par transfert. La Loi relative à la continuité des entreprises a été abrogée à l’occasion de l’entrée vigueur du Livre XX du Code de droit économique (01.05.2018). L’article XX.86 du Code de droit économique renvoie vers la CCT n° 102, qui reste d’application. L’ARRÊT PLESSERS La Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») a été amenée à se pencher sur la conformité du droit belge à la Directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements. Plus spécifiquement, la CJUE a examiné la procédure de réorganisation judiciaire par transfert au regard de l’article 5 de la Directive, qui prévoit un régime dérogatoire à l’obligation pour le cessionnaire de maintenir les droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise. Par son arrêt du 16.05.2019 (arrêt PLESSERS, C-509/17), la CJUE estime qu’il appartient au législateur de garantir la protection des travailleurs contre le licenciement effectué par le cédant ou le cessionnaire sur base du transfert de l’entreprise et décide que la procédure de réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice ne répond pas aux conditions visées par l’exception libellée à l’article 5 de la Directive. Selon la Cour, l’article XX.86 du Code de droit économique, et a fortiori la CCT n°102, doivent alors répondre aux exigences imposées aux articles 3 et 4 de la Directive, qui garantissent le maintien et la protection des droits des travailleurs dans le cadre d’un transfert d’entreprise. La Cour estime que ce n’est pas le cas et a ainsi considéré que la législation nationale applicable aux transferts d’entreprise sous autorité de justice « est de nature à compromettre sérieusement le respect de l’objectif principal de la directive 2001/23/CE, tel que précisé à l’article 4, paragraphe 1, de celle-ci […], à savoir la protection des travailleurs contre les licenciements injustifiés en cas de transfert d’entreprise. » La Cour juge que la législation belge n’est pas conforme au droit européen, et en particulier sa Directive 2001/23/CE. LA FIN DE LA PRJ PAR TRANSFERT ? Suite à cet arrêt, les premiers commentateurs et certains tribunaux ont estimé que, dès lors que la loi belge a mal transposé une Directive, les juridictions belges ne pouvaient plus autoriser de transfert d’entreprise dont les conditions seraient en contrariété avec la Directive (en particulier en cas de reprise partielle des travailleurs). Cette position aurait pour effet de réduire l’intérêt d’une PRJ par transfert : imposer à l’offrant de reprendre tous les travailleurs, quelques soient leurs fonctions, leur statut, leurs compétences ou leur motivation à être transférés, pourrait décourager le repreneur potentiel de formuler une offre, vu les incertitudes liées à l’aspect social du transfert projeté. Dans l’attente d’une modification législative qui serait conforme au droit européen, la législation nationale doit continuer à être appliquée, la Directive n’ayant aucun effet direct. C’est en ce sens que le tribunal de l’entreprise du Brabant wallon (Ent. Brabant wallon, 17.02.2020, R.G. : N/20/00067, inédit) a décidé: « Conformément à la jurisprudence de la CJUE susmentionnée, le tribunal ne peut pour autant en écarter l’application ni laisser inappliquées ces dispositions de droit national, fussent-elles contraires à ladite Directive. Il apparaît que la cession projetée permet le maintien de l’activité de l’entreprise et de 22 emplois sur 30 et que les critères de choix des travailleurs repris sont de nature économique et organisationnelle et répondent au prescrit de l’article XX.86 §3 CDE. Le transfert proposé doit donc être approuvé. » L’intégration dans notre droit national de la directive UE 2019/1023 du 20.06.2019 sur la restructuration et l’insolvabilité pourrait être l’occasion d’une grande réflexion sur le droit social de l’insolvabilité. NOTRE CONSEIL Si votre entreprise est confrontée à des difficultés financières ou que sa continuité semble être menacée, consultez l’un de nos avocats en vue d’un accompagnement dans les mesures à prendre en vue du rétablissement de votre entreprise. Yannick AlsteensClémentine Malschalck

Le sort des actions judiciaires après la clôture de la liquidation

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La Cour de cassation vient de rappeler, dans un récent arrêt du 14 février 2020 (Cass., 1ère Ch., 14 février 2020, C.19.0108.F/4, Juridat.), quelques principes importants en matière de liquidation de sociétés et singulièrement à propos du sort des actions judiciaires après la clôture de la liquidation. Le pourvoi était introduit à propos d’une affaire jugée avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions du Code des sociétés et des associations (CSA). Même si le Code de 2019 apporte certains aménagements en la matière, ils ne concernent pas les dispositions visées par l’arrêt du 14 février. Liquidateur à défaut de nomination La Cour de cassation rappelle tout d’abord qu’en vertu de l’article 185 du Code des sociétés (devenu article 2:79 du Code des sociétés et des associations), à défaut de nomination de liquidateurs, les gérants dans les sociétés coopératives seront, à l’égard des tiers, considérés comme liquidateurs. Il s’ensuit, même lorsque la liquidation est clôturée, que ces personnes lorsqu’elles indiquent qu’elles agissent en leur qualité de liquidateurs n’agissent pas à titre personnel mais en qualité de représentantes de la société dissoute. L’article 2:79 précise que cette qualité de liquidateurs s’étend aux administrateurs des SRL, SC et SA. Effet de la clôture de la liquidation sur l’existence de la société La clôture de la liquidation est prononcée par l’assemblée générale ou, s’il s’agit d’une dissolution judiciaire, par le Tribunal. La société en liquidation est réputée exister, après sa dissolution, pour sa liquidation, jusqu’à la clôture de celle-ci (Art. 183 du CS devenu 2:76 du CSA). En application des articles 194 et 195 du CS devenus articles 2:100 et 2:102 du CSA, la clôture de la liquidation met fin à l’existence de la société. Quels droits reste-t-il aux créanciers après la clôture de la liquidation ? Les créanciers pourront, après la clôture de la liquidation, tenter d’annuler le vote de clôture ou d’intenter une tierce opposition contre la décision judiciaire s’ils estiment que leurs droits ont été bafoués. Ils pourront également citer la société en faillite puisqu’une personne morale dissoute peut être déclarée en cessation de paiements jusqu’à six mois après la clôture de la liquidation. Conformément à l’article 198, §1er du CS, devenu article 2:143, §1er du CSA, les créanciers peuvent également agir en justice contre les liquidateurs (en cette qualité) qu’ils soient désignés en vertu de la décision de l’assemblée générale, de la décision judiciaire ou de la loi, dans un délai de cinq ans à compter de la publication dans les Annexes du Moniteur belge, de la clôture de la liquidation. La Cour de cassation précise que cette disposition, qui déroge au principe de l’extinction de l’être moral, vise à assurer la protection des créanciers. Il s’agit de ce que certains auteurs ont appelé la « survie passive », dans la mesure où la société en liquidation peut uniquement se défendre contre les actions que les créanciers sociaux peuvent exercer contre elle dans les cinq ans de la clôture de la liquidation, ou continuer à se défendre dans des actions introduites avant la clôture. La Cour de cassation en déduit que la société dont la liquidation est clôturée peut faire valoir ses moyens de défense contre ces actions. La Cour de cassation sanctionnait en l’espèce une décision qui avait considéré, à tort, que la clôture de la liquidation empêchait une société dissoute d’encore contester les demandes dirigées contre elle. La société dissoute peut donc, même après la clôture de la liquidation, se défendre dans le cadre d’une action intentée avant la clôture ou dans le délai de cinq ans qui suit la publication de la clôture. Elle ne pourra en revanche pas poursuivre une quelconque activité ni agir comme demanderesse en justice. Xavier IbarrondoChloé Pauwels

Effacement des dettes du failli : un fresh start semé d’embuches ?

EFFACEMENT-DETTES-FAILLI-FRESH-SEMÉ-EMBUCHES

Une mise à jour bienvenue Dans son souci d’harmonisation et de centralisation du droit de l’insolvabilité dans un corps de texte unique (Livre XX du code de droit économique), le législateur a fait le vœu de promouvoir la seconde chance du failli personne physique, en lui permettant d’obtenir plus rapidement, et de manière automatique, l’effacement du solde de ses dettes, qui vient remplacer le système de l’excusabilité, pour les procédures d’insolvabilité ouvertes à partir du 1er mai 2018. L’effacement nécessite le dépôt d’une requête Cet objectif est certes louable, mais il ne faudrait pas s’y méprendre : l’automaticité exprimée par le législateur nécessitera une démarche volontaire du failli, qui se matérialisera par le dépôt d’une requête dans le registre électronique, qui devra intervenir dans un délai de 3 mois après la publication de sa faillite au Moniteur belge. Le failli devra donc être attentif à déposer sa requête, dont on se demande si elle devra répondre au formalisme de l’article 1026 du Code judiciaire, sur la plateforme électronique (www.regsol.be), soit concomitamment au dépôt de son aveu de faillite, soit dans un délai n’excédant pas 3 mois à partir de la publication de sa faillite. Le délai de 3 mois est fixé à peine de forclusion La doctrine majoritaire, relayée par les récentes décisions, estime que le délai fixé par le législateur est un délai dit de forclusion, en ce sens que si l’effacement n’est pas demandé dans l’aveu de faillite, ou dans une période limitée dans le temps après la déclaration de faillite, le failli perdra son droit à l’effacement du solde de ses dettes (en ce sens : Bruxelles, 9e chambre, 19.12.2019, inédit). Ainsi, et pour autant que le failli ait introduit sa demande dans les délais, le jugement de clôture de la faillite emportera, par le fait même de sa demande, l’effacement du solde de ses dettes, sans préjudice des voies de recours des tiers intéressés. Mise à jour du 21 octobre 2021 : en date du 21 octobre 2021, la Cour constitutionnelle a annulé l’article XX.173 du Code de droit économique, de sorte que que le délai de 3 mois n’est plus applicable. (lire notre article au sujet de l’arrêt du 21 octobre 2021) La demande anticipée Par ailleurs, et afin d’octroyer aux faillis un véritable « fresh start », le législateur leur a accordé la faculté de solliciter, après un délai de 6 mois à partir de l’ouverture de leur faillite, la possibilité de demander la fixation de leur demande d’effacement devant le Tribunal de l’entreprise. Le législateur a en effet souhaité que les faillis puissent rapidement mener une nouvelle activité, sans attendre la clôture de leur faillite. Cette faculté n’est pas nouvelle : en effet, sous l’empire de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le failli pouvait déjà introduire une demande anticipée d’excusabilité, et entamer une nouvelle activité, même économique. De prime abord, l’objectif visé par le législateur ne nous apparait trouver aucune réelle implication pratique différente de la situation connue par les faillis déclarés en faillite sous l’empire de l’ancienne loi, dès lors que les Tribunaux de l’entreprise pourront refuser la demande de fixation du failli, et surseoir à l’examen de celle-ci au moment de la demande en clôture de la faillite par le curateur, c’est-à-dire dans un délai indéterminé, pour des raisons que nous imaginons essentiellement d’ordre organisationnel. L’effacement peut être refusé Le législateur a entendu préserver les droits des créanciers, en leur octroyant la faculté d’intervenir à n’importe quel moment de la procédure pour s’opposer à l’effacement du failli, ou, au plus tard, jusqu’à 3 mois après la publication du jugement accordant l’effacement, au regard de circonstances particulières et suffisamment graves, qu’il leur appartiendra d’établir. Ce même droit existe pour le curateur et le Ministère public. L’effacement ne peut être refusé qu’en cas de fautes graves et caractérisées qui ont contribué à la faillite. Dans ce cas, et pour autant qu’il motive spécialement sa décision, le Tribunal pourrait accorder l’effacement partiel des dettes du failli, ou refuser totalement le bénéfice de l’effacement au failli. Cela imposera donc dans le chef du failli de préparer sa demande d’effacement, préalablement à son évocation par le Tribunal de l’entreprise, pour pallier toutes difficultés qui pourraient surgir, et s’assurer de ce que son droit à l’effacement puisse être entendu par le Tribunal. L’effacement bénéficie aussi au conjoint du failli Le (l’ex) conjoint et le (l’ex) cohabitant légal bénéficieront également des effets de l’effacement, mais dans une mesure différente puisque les dettes personnelles ou communes de ces derniers, qu’elles aient été ou non contractées seules ou avec le failli, ne pourront pas être effacées si elles sont étrangères à l’activité professionnelle du failli. Cette modification substantielle par rapport au précédent système démontre à nouveau l’intérêt du législateur de préserver les droits des créanciers, en restreignant le bénéfice de l’effacement sur ces catégories de personnes. Conclusions Sous les réserves évoquées supra, liées, d’une part à l’introduction de la demande dans le délai, et, d’autre part, à l’appréciation du comportement du failli avant l’ouverture de sa faillite, le législateur semble avoir promu un véritable droit à l’effacement (quasi-) automatique. Notre conseil Que vous soyez failli personne physique ou créancier, votre avocat spécialisé dans cette matière pourra vous aider à comprendre les implications et éventuels pièges de cette procédure d’effacement. L’adage « Un avocat, c’est quelqu’un qu’il faut voir avant pour éviter les ennuis après » prend tout son sens, en particulier dans le domaine de l’insolvabilité des entreprises. Yannick Alsteens Clémentine Malschalck