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La faillite : trois croyances démystifiées

05/01/2021

Le cadre

La crise sanitaire et ses conséquences sur les entreprises ont mis en lumière le risque de faillite pour énormément d’entreprises (sociétés, ASBL, personnes physiques, …).

Trois idées reçues circulent généralement autour de la faillite et méritent d’être démystifiées.

Les idées reçues

La faillite est une sanction qui n’arrive qu’aux autres

Rappelons que la faillite est l’état de l’entreprise qui a cessé ses paiements de manière persistante (c’est-à-dire qu’elle ne paie plus ses dettes) et qui a perdu son crédit auprès d’au moins un de ses créanciers.

Ainsi, une entreprise sera en état de faillite, lorsqu’un ou plusieurs créanciers (fournisseur, banque, institutionnel, etc) refusent de patienter davantage quant au règlement de leurs créances, tandis que cette entreprise n’est pas en mesure de faire face à son passif exigible, parce qu’elle n’a aucune perspective concrète de refinancement et/ou que ses activités ne lui permettent pas de générer des liquidités suffisantes pour financer celles-ci et assurer le règlement des dettes échues.

Face à cette situation, le Tribunal de l’entreprise devra constater l’état de faillite après avoir été saisi soit par l’entreprise elle-même (qui aura introduit son aveu de faillite via l’application REGSOL), soit sur citation d’un créancier ou du Ministère public (notamment).

Le mythe de la faillite qui serait le fait d’un dirigeant malhonnête ou qui aurait mal géré les affaires de son entreprise, et dont la faillite interviendrait à ce titre comme sanction, est éculé.

Les causes de l’état de faillite peuvent être multiples, et surtout étrangères à une éventuelle mauvaise gestion du dirigeant : maladie (burn-out, …) du dirigeant, départ de personnes clés, marché en mutation, perte d’un gros client, lockdown, … Certains évènements de la vie des affaires peuvent en effet mettre en péril la continuité de l’entreprise de manière irrémédiable, sans qu’il soit nécessaire de rechercher une action fautive dans le chef du futur failli ou du dirigeant d’entreprise. Ces faillites malheureuses constituent la majorité des dossiers.

Il ne suffit donc pas d’avoir géré son entreprise en bon père de famille pour ne jamais connaître d’état de faillite. Il ne faut pas non plus considérer la survenance d’une faillite comme un échec qui renverrait à l’idée que cela aurait pu être évité alors que bon nombre de facteurs susceptibles de causer une faillite sont imprévisibles et échappent au contrôle de l’entreprise ou de son dirigeant.

Encore plus à l’heure actuelle et aussi longtemps que les mécanismes d’aides et d’accompagnement des entreprises en difficulté seront insuffisants, il convient de changer de paradigme : la faillite ne doit plus être perçue comme une sanction ou un échec, mais plutôt comme un outil – et rien que cela – pour la salubrité économique en permettant à l’entreprise, qui ne parvient plus à respecter les règles du marché et qui ne pourrait assurer sa continuité (via une restructuration ou un PRJ, par exemple), de mettre fin à ses difficultés et éviter que celles-ci n’entraînent des effets en cascade sur les autres acteurs économiques.

Une fois en faillite, le curateur est habilité à tout saisir

Ce mythe persistant pourrait constituer un obstacle au dépôt de l’aveu de faillite de l’entreprise.

Or, la situation est très différente selon que l’entreprise est une société à responsabilité limitée (SRL, SA, …) ou une personne physique, voire une entreprise à responsabilité illimitée.

Si l’entreprise est une société à responsabilité limitée, les actionnaires ne sont tenus qu’à concurrence de leurs apports, c’est-à-dire le montant qu’ils se sont engagés à mettre à disposition de la société (anciennement le capital de la société).

Un curateur ne pourra donc vendre que les biens qui appartiennent à la société, sauf exception.

Parmi ces exceptions, relevons l’hypothèse où le curateur parvient à démontrer devant le Tribunal de l’entreprise que les dirigeants ont commis des fautes graves et caractérisées qui ont contribué à la faillite (absence de comptabilité, chiffre d’affaires non déclaré, travailleurs non déclarés, …) : ceux-ci devront alors supporter tout ou partie du passif, en fonction de l’appréciation du Tribunal. Il en irait de même en cas d’aveu de faillite tardif ou lorsque les dirigeants ne parviennent pas à renverser certaines présomptions de responsabilités instituées par le législateur.

Dans l’hypothèse d’une société à responsabilité illimitée, le patrimoine des actionnaires qui ont reconnu leurs engagements illimités sera affecté au remboursement des dettes de la société.

Si l’entreprise est exercée en personne physique, le curateur pourra vendre l’essentiel des actifs du failli (maison, voiture, ordinateurs, …), sauf ce qui est déclaré insaisissable ou sans valeur marchande (chaises, tables, jouets des enfants, nécessaire pour cuisiner, …).

Dans cette hypothèse, le solde des dettes qui ne serait pas payé par la vente des actifs du failli pourrait être effacé, si le failli n’a commis aucune faute grave et caractérisée ayant contribué à sa faillite, et ce, pour autant qu’il en ait fait la demande (requête en effacement).

Après la faillite, l’entrepreneur ne peut plus travailler

Ce mythe est également considéré, à tort, comme un motif justifiant qu’un entrepreneur ne fasse pas aveu de faillite.

La faillite n’implique en effet aucune restriction au travail pour le futur (sauf exception, voir infra), pour autant bien entendu que le failli bénéficiait des accès à sa profession et que sa faillite n’entraîne pas d’interdiction de l’ordre professionnel dont il émanerait.

Le dirigeant d’une entreprise en faillite ou le failli en personne physique peut immédiatement reprendre une activité professionnelle, quel que soit le statut (indépendant, salarié, fonctionnaire).

Dans certaines circonstances, le dirigeant d’une entreprise en faillite ou le failli en personne physique peut reprendre une activité identique, moyennant, par exemple, la reprise du stock et des outils de production, ainsi que des travailleurs, voire la reprise du nom commercial et des droits de propriété intellectuelle.

Une telle reprise se négocie généralement avec le curateur.

Cependant, tant le Tribunal correctionnel (en cas d’infractions liées à l’état de faillite) que le Tribunal de l’entreprise (en cas de fautes graves et caractérisées ayant contribué à la faillite), peuvent ordonner une interdiction (temporaire) ayant pour effet d’empêcher l’entrepreneur de diriger à nouveau une entreprise (tant comme personne physique qu’à travers une personne morale)

Notre conseil

La faillite et ses conséquences restent entourées d’idées reçues et souvent erronées pour quiconque n’est pas familier avec cette matière.

Ces mythes que nous avons relevés pourraient constituer un frein à ce qui relève pourtant d’une obligation légale : celle de faire aveu de faillite dans le mois de la cessation des paiements. La méconnaissance de cette obligation pourrait entraîner la mise en cause de la responsabilité (civile et pénale) du dirigeant de l’entreprise ou du failli. Cette situation aurait pour effet de stigmatiser d’autant plus ce dirigeant ou ce failli personne physique.

Notre équipe d’avocats spécialisés en procédure de faillite se tient à votre entière disposition pour vous expliquer les conséquences de votre situation d’insolvabilité éventuelle, et vous conseiller au mieux, soit pour éviter la faillite (par exemple via une procédure de réorganisation judiciaire (PRJ)), soit pour vous accompagner tout au long de la procédure de faillite.

Yannick Alsteens, avocat spécialisé en droit de l’insolvabilité

Clémentine Malschalck