Introduction
La loi du 21 mars 2021 vient modifier la PRJ (procédure de réorganisation judiciaire) sur plusieurs de ses aspects.
L’occasion pour les avocats du département « Entreprises en difficulté – restructuring » du cabinet Novalis Avocats de revenir sur cette procédure, l’intérêt d’y recourir et ses alternatives.
1. Qu’est-ce qu’une PRJ (son objet) ?
Une PRJ (procédure de réorganisation judiciaire) est par définition une procédure judiciaire destinée à protéger une entreprise dont la continuité est menacée, en lui permettant de maintenir ses activités (nonobstant son endettement) et en évitant, le cas échéant, sa faillite. La PRJ, lorsqu’elle est bien accompagnée et répond aux besoins concrets de l’entreprise, permet à celle-ci, même en état de faillite, de rebondir et de préserver sa continuité.
La continuité peut être menacée suite à diverses causes : perte d’un client important, marché qui change, faillite d’un client, erreur de gestion,…
La PRJ donne ainsi un outil juridique pour permettre de surpasser les difficultés de l’entreprise qui pourraient causer sa faillite, en restructurant tout ou partie de l’entreprise et/ou de son passif (les dettes).
2. Qui peut introduire une procédure de réorganisation judiciaire ?
La PRJ est ouverte à toutes les entreprises, au sens de l’article I.1,1° du Code de droit économique, ce qui inclut toute personne physique qui exerce une activité professionnelle à titre indépendant et toute personne morale. Les sociétés commerciales et les ASBL sont des entreprises et peuvent bénéficier d’une PRJ. Suivant certaines juridictions, l’administrateur d’une société peut également être considéré comme une entreprise, et pourrait bénéficier, pour lui-même, d’une PRJ en cas de difficultés financières.
3. Comment introduire une PRJ ?
Une procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) s’introduit par une requête unilatérale sur REGSOL, la plateforme informatique belge de la solvabilité, de préférence par l’intermédiaire d’un avocat spécialisé en PRJ.
Outre une explication sur les circonstances et les causes des difficultés, la requête en réorganisation judiciaire doit être accompagnée des pièces suivantes :
- Deux derniers bilans
- Situation comptable récente, validée par un expert-comptable
- Budget prévisionnel détaillé couvrant à tout le moins la période du sursis demandé
- Un tableau des créanciers (c’est-à-dire les fournisseurs, les banquiers, les prêteurs privés, les leasers, les travailleurs, le fisc, l’ONSS …)
- Une explication sur les mesures qui sont mises en place pour retrouver la rentabilité
- La preuve de ce que les travailleurs ont été informés
Tout autre document utile à la compréhension du dossier par le tribunal
4. Procédure de réorganisation judiciaire : quels sont les objectifs ?
Une procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) peut être introduite en vue d’atteindre un ou plusieurs des trois objectifs suivants :
a. PRJ par accord amiable
La PRJ par accord amiable consiste à conclure un accord entre l’entreprise, dont la continuité est menacée, et tous ses créanciers ou, à tout le moins, deux d’entre eux, en vue de l’assainissement de sa situation financière ou de la réorganisation de son entreprise.
L’objectif est de trouver un accord particulier avec les créanciers visés par la procédure. Cet accord peut être différent pour chaque créancier, et ne peut pas être imposé aux créanciers participant à la procédure, ou aux autres créanciers de l’entreprise.
L’objectif peut consister, par exemple, à lisser le paiement d’une dette sur plusieurs années, à abattre en partie les montants dus (par une diminution des intérêts de retard, la suppression des majorations, voire une réduction du montant dû en principal, par exemple).
b. PRJ par accord collectif
Dans le cadre d’une procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif (PRJ par accord collectif), l’entreprise propose à l’ensemble de ses créanciers un plan de réorganisation, qui peut contenir de multiples propositions : réduction de la dette, paiement par mensualités sur une durée maximale de 5 années, etc.
Le plan de réorganisation doit être approuvé par la majorité des créanciers lors d’un vote organisé devant le tribunal de l’entreprise. Le plan de réorganisation est tenu pour approuvé par les créanciers, lorsqu’il recueille le vote favorable de la majorité des créanciers présents ou représentés à l’audience, représentant par leurs créances, la moitié de toutes les sommes dues en principal des créances votantes. Prenons l’exemple d’un passif de 100.000€, réparti de manière inégale sur 10 créanciers. Lors de l’audience de vote, seul 8 créanciers se présentent, représentant 50.000€. Le plan sera tenu pour approuvé si 5 créanciers approuvent le plan, représentant au moins 25.001€.
Une fois approuvé et homologué par le tribunal, le plan sera opposable et donc applicable à l’ensemble des créanciers de l’entreprise, même ceux qui ont voté contre le plan ou ceux qui n’ont pas pris part au vote.
c. PRJ par transfert
Dans le cadre d’une procédure de réorganisation judiciaire par transfert (PRJ transfert), l’entreprise demande au tribunal de désigner un mandataire de justice (généralement un avocat spécialisé en droit de l’insolvabilité) qui aura pour mission d’organiser et réaliser le transfert ordonné par le tribunal, par la vente ou la cession des actifs mobiliers ou immobiliers nécessaires ou utiles au maintien de tout ou partie de l’activité de l’entreprise. Concrètement, le mandataire de justice est chargé de trouver des repreneurs pour tout ou partie de l’activité : travailleurs, stock, contrats … Les dettes ne sont (en principe) pas transférées au cessionnaire.
L’objectif est que l’entreprise se poursuive, au sein d’une autre structure, saine, en vue de sauver les emplois et de sauvegarder si possible l’intérêt des créanciers.
L’entreprise initiale deviendra, le cas échéant, une coquille vide, qu’il conviendra de dissoudre ou pour laquelle un aveu de faillite s’imposera.
5. PRJ : effets sur les créanciers ?
Durant la procédure, l’entreprise qui a introduit la PRJ bénéficie d’un « sursis », c’est-à-dire d’un moratoire sur l’essentiel des dettes du passé. L’entreprise ne peut plus être déclarée en faillite durant cette période.
Au terme du sursis, la PRJ débouche soit sur un accord amiable avec les créanciers choisis, soit sur un accord collectif, opposable à l’ensemble des créanciers (si le plan de réorganisation judiciaire est approuvé et homologué par le tribunal), ou à un transfert de tout ou partie de l’entreprise ou de ses actifs à une autre entreprise.
Au terme de la PRJ, les créanciers ne recouvrent leurs droits que dans la mesure prévue par l’accord amiable ou le plan de réorganisation judiciaire. En cas de transfert, les droits des créanciers se répercutent sur le prix de vente de l’entreprise.
6. Quelles sont les procédures alternatives à la PRJ ?
La PRJ telle que décrite ci-dessus implique une phase publique : l’ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire et ses conséquences sont publiées au Moniteur belge.
Cette publicité peut avoir un effet négatif sur la continuité de l’entreprise, vu la perte de confiance des créanciers, qui imposeront un paiement préalable à la livraison, des clients, des partenaires commerciaux, des banques, etc.
Pour remédier aux inconvénients de cette publicité, le législateur a introduit la possibilité de faire désigner un médiateur d’entreprise (à ne pas confondre avec le mandataire de justice, dont question ci-après), dont la mission sera notamment de négocier et préparer des accords avec les créanciers, durant une phase confidentielle (aucune publication au Moniteur belge), de sorte que la procédure n’effraie personne.
Le Livre XX du Code de droit économique offre également la possibilité de conclure des accords amiables extrajudiciaires, c’est-à-dire en dehors d’une PRJ, de manière confidentielle. L’intérêt d’une telle procédure réside dans le fait que la procédure n’est pas publique, et aucun des effets néfastes de la publicité n’apparait. Par contre, dans cette hypothèse, l’entreprise ne bénéficie pas du sursis, c’est-à-dire qu’elle ne bénéficie d’aucune protection particulière vis-à-vis des (autres) créanciers.
7. Quelles sont les nouveautés de la loi du 21 mars 2021 qui modifie le Livre XX ?
a. Qu’est-ce qu’un mandataire judiciaire article XX.39/1 CDE ?
Parmi les nouveautés de la loi du 21 mars 2021, celle-ci a introduit un nouvel outil à destination des entreprises dont la continuité est menacée : l’accord préparatoire (procédure prepack). Ces entreprises peuvent désormais demander au Président du tribunal de l’entreprise, de manière discrète et non publique, qu’un mandataire soit désigné en vue de négocier avec des créanciers, soit un accord amiable dans un PRJ accélérée, soit un accord collectif dans une PRJ accélérée.
La différence principale avec le médiateur d’entreprise tel que décrit précédemment est que la mandataire peut demander au tribunal d’imposer des termes et délais à des créanciers spécifiques, de maximum 4 mois, durant la phase confidentielle, afin de réduire leur pouvoir de nuisance.
Une fois les accords conclus de manière informelle, le mandataire peut demander du Président du tribunal de l’entreprise de transférer le dossier au tribunal de l’entreprise, afin d’ouvrir une PRJ classique, publique (par accord amiable ou accord collectif), mais accélérée, c’est-à-dire que le délai d’ouverture et la période du sursis sont réduits. L’entreprise peut ainsi sortir rapidement des difficultés, par l’intermédiaire d’une phase discrète qui peut durer, et une phase publique très rapide, ce qui diminue les effets négatifs d’une PRJ publique.
b. Quelles pièces doit-on déposer pour ouvrir une PRJ ?
Une autre nouveauté de la loi du 21 mars 2021 est que désormais il n’est plus nécessaire de déposer l’ensemble des pièces requises pour l’ouverture d’une PRJ publique. Les pièces suivantes peuvent être déposées plus tard (au moins 2 jours avant l’audience d’introduction devant le tribunal de l’entreprise), voire pas du tout déposées, en cas d’impossibilité : situation comptable récente, budget prévisionnel, tableau des créanciers, note présentant les mesures prises pour revenir à la rentabilité et preuve de l’information des travailleurs.
L’absence de ces pièces n’est plus sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande en PRJ. Au contraire, l’objectif est de faciliter l’accès à la PRJ, notamment pour les (T)PME, pour lesquelles une PRJ peut couter cher.
Dans cette hypothèse, le tribunal statue en fonction des pièces qu’il a reçues.
c. Peut-on déposer plusieurs PRJ d’affilée ?
Enfin, une 3e nouveauté de la loi du 21 mars 2021 réside dans le fait qu’une nouvelle PRJ peut être déposée après avoir demandé et obtenu une PRJ précédente.
La seule limite qui subsiste consiste dans le fait que l’entreprise ne peut pas remettre en cause les acquis de la PRJ précédente. Autrement dit, il n’est pas possible de proposer un plan de redressement qui prévoit de nouvelles réductions ou termes et délais pour les dettes de la PRJ antérieure.
Notre conseil pour votre entreprise qui risque l’insolvabilité
Les entreprises sont confrontées à une situation exceptionnelle depuis plus d’un an. Pour beaucoup d’entreprises, la crise sanitaire a engendré des difficultés de trésorerie, qu’elles doivent dorénavant juguler par la mise en œuvre de mesures de soutien ou de redressement, dont fait partie la PRJ.
Plus que jamais, la PRJ permet aux entreprises en difficulté de restructurer leur endettement et de traverser la crise actuelle.
En cas de doute sur la continuité de votre entreprise, ou si vous vous interrogez sur l’opportunité de déposer l’aveu de faillite de votre entreprise, les avocats spécialisés du département « Entreprises en difficulté – restructuring » du cabinet Novalis Avocats peuvent vous vous assister dans le screening de votre entreprise et la mise en œuvre des mesures nécessaires à la préservation de la continuité de l’entreprise.
Les avocats spécialisés du département « Entreprises en difficulté – restructuring » du cabinet Novalis Avocats assistent en effet régulièrement leurs clients dans le cadre de PRJ (procédure de réorganisation judiciaire) ou toute autre procédure permettant de favoriser la continuité de leur entreprise.