Lorsqu’une société connait des difficultés financières et se trouve en état de faillite (cessation de paiement et ébranlement du crédit), elle a l’obligation de faire aveu de faillite sur REGSOL, dans le mois de la cessation de ses paiements.
Elle pourrait néanmoins choisir la voie de la dissolution déficitaire volontaire avec ou sans ouverture de liquidation, si les conditions sont réunies.
Pourquoi choisir la dissolution déficitaire à la place de la faillite ?
L’aveu de faillite et la procédure de faillite qui s’ensuit impliquent souvent des répercussions négatives pour les dirigeants de l’entreprise : grandes difficultés pour obtenir un crédit par la suite, réputation négative auprès des fournisseurs et/ou clients, sentiment d’échec, etc.
La dissolution volontaire (déficitaire ou non) n’implique pas systématiquement une réputation liée à l’échec.
La dissolution est en effet une manière régulière de mettre fin à une société, que celle-ci soit en difficultés financières ou non.
La dissolution déficitaire sans ouverture de liquidation (dissolution en un seul acte)
Les conditions de la dissolution en un seul acte
Une société peut être dissoute et liquidée en un seul acte, sans désignation d’un liquidateur.
Cette décision nécessite un quorum de présence et de vote : la dissolution et la liquidation de la société dans un seul acte est possible pour autant que cette décision soit approuvée à l’unanimité des voix des actionnaires présents ou représentés, représentant, s’il s’agit d’une société à responsabilité limitée ou d’une société coopérative, la moitié au moins du nombre total des actions émises, ou s’il s’agit d’une société anonyme, la moitié au moins du capital.
Les conditions pour la dissolution en un seul acte sont les suivantes :
- l’ensemble des dettes de la société, à l’égard des actionnaires ou des tiers, sont payées ou les montants nécessaires au paiement de celles-ci ont été consignés ;
- s’il s’agit d’une dissolution déficitaire, le remboursement ou la consignation n’est toutefois pas nécessaire si les actionnaires ou créanciers ont confirmé par écrit leur accord sur la procédure de dissolution avec clôture de la liquidation en un seul acte. Cet accord implique une renonciation à leur créance ;
- le commissaire ou, à défaut, le réviseur d’entreprises ou l’expert-comptable externe qui fait rapport sur l’état résumant la situation active et passive de la société devra confirmer l’existence de l’accord écrit dans les conclusions de son rapport ;
Cette procédure présente de nombreux avantages (simplicité, rapidité, coût moindre, etc), mais nécessitera, en cas de dettes dont le remboursement n’est pas envisageable, l’accord de tous les actionnaires ou créanciers de la société à propos de la procédure de dissolution avec clôture immédiate de la liquidation.
La responsabilité des actionnaires
Dans l’hypothèse où la dissolution s’avèrerait en réalité déficitaire, parce que la société aurait omis (volontairement ou non) un créancier et/ou que celui-ci n’aurait pas marqué son accord sur la procédure de dissolution en un seul acte, le Code des sociétés et des associations prévoit un régime aggravé de responsabilité des actionnaires. En effet, ils seront responsables, sans solidarité entre eux, des dettes de la société dissoute qui n’ont pas été payées au plus tard lors de la clôture de la liquidation et pour lesquelles il n’a pas été consigné, au plus tard à cette date, un montant suffisant pour couvrir ces dettes en principal et accessoires, indépendamment du fait qu’ils en aient ou non eu ou dû avoir connaissance compte tenu des circonstances. S’ils sont de bonne foi, ils peuvent exercer un recours contre les derniers membres de l’organe d’administration en fonction. Cette responsabilité est limitée à l’égard des actionnaires au montant égal à la somme de l’apport qui a été remboursé à chaque actionnaire, et de sa part dans le solde de liquidation reçue avant ou lors de la clôture de la liquidation de la société.
L’administrateur et l’actionnaire seront dès lors attentifs à n’omettre aucun créancier dans le cadre de la mise en dissolution avec clôture immédiate de la liquidation de l’entreprise.
La dissolution avec ouverture de liquidation
Le CSA impose aux sociétés des quorums spécifiques de présence et de vote dans l’hypothèse d’une procédure de dissolution avec ouverture de la liquidation et désignation d’un ou de plusieurs liquidateurs.
Quorum de présence : Sans préjudice de conditions plus sévères imposées par les statuts de la société, la moitié au moins du nombre total des actions émises doit être présente ou représentée lors de l’assemblée générale appelée à se prononcer sur la proposition de dissolution. Dans l’hypothèse où la société ne réunit pas ce quorum, une seconde convocation à une nouvelle assemblée est adressée aux actionnaires. Cette assemblée, qui ne pourra être tenue dans un délai inférieur de 15 jours, statuera valablement, quel que soit le nombre d’actionnaires présents ou représentés.
Quorum de vote : Sans préjudice de conditions plus sévères imposées par les statuts de la société, la décision de dissolution requiert un vote favorable d’une majorité des trois quarts des voix exprimées des actionnaires présents ou représentés, sans qu’il soit tenu compte des abstentions au numérateur, ni au dénominateur.
Désignation d’un liquidateur et opérations de liquidation : sauf disposition statutaire contraire, en cas de dissolution suivie par l’ouverture d’une liquidation, l’assemblée générale doit désigner un ou plusieurs liquidateurs, à la majorité simple, qui aura pour mission, notamment, de réaliser l’actif et de le répartir conformément à un plan de répartition.
Dans l’hypothèse d’une liquidation déficitaire, le liquidateur veillera au préalable à obtenir l’homologation du plan de répartition des actifs entre les différentes catégories de créanciers.
Quelles sont les différences entre la dissolution déficitaire et la faillite
La procédure de dissolution déficitaire (avec ou sans liquidation) et la faillite ont un objectif commun : mettre fin à la société et ses activités, par l’intermédiaire d’une procédure légalement organisée, qui permettra de prendre en compte les intérêts des créanciers.
Dans les deux cas, les créanciers ne seront pas payés intégralement, et seront payés suivant les règles du concours.
S’il s’agit d’une dissolution déficitaire en un seul acte, les créanciers devront au préalable avoir marqué préalablement leur accord sur une telle dissolution déficitaire (et donc une renonciation à leur créance).
La procédure de dissolution (qui devra impliquer de facto que la confiance des créanciers soit préservée au moment de la mise en dissolution) permet de mieux sauvegarder les intérêts des administrateurs et actionnaires de la société, puisque cette procédure est mieux cotée qu’une procédure de faillite (qui implique encore un sentiment collectif d’échec stigmatisant pour le dirigeant).
En outre, l’entreprise peut choisir son liquidateur dans le cadre d’une liquidation, alors que le curateur de faillites est désigné par la tribunal de l’entreprise, à qui il doit rendre des comptes.
Enfin, la responsabilité personnelle du dirigeant peut plus difficilement être mise en cause dans le cadre d’une liquidation que d’une faillite, vu les prérogatives limitées du liquidateur.
La procédure de dissolution volontaire n’est cependant pas un blanc-seing donné aux administrateurs, leur permettant d’échapper aux risques (essentiellement en termes de mise en cause de leur responsabilité) attachés à la procédure de faillite.
Pour que cette procédure puisse être menée, il convient de préciser que la confiance des créanciers est l’élément essentiel qui permettra à l’entreprise de privilégier la dissolution à la faillite (du fait que les conditions de la faillite ne sont pas réunies), tout au long du processus. Dès lors, la confiance des créanciers doit être maintenue pendant la procédure de liquidation. Cela implique qu’elle soit obtenue en pleine connaissance de cause, dans la régularité et la transparence, et non en fraude des droits des créanciers ou à leur préjudice en instrumentalisant cette procédure en vue d’échapper aux responsabilités particulières liées à l’état de faillite ou à la remise en cause d’actes accomplis en période suspecte. Dans pareille hypothèse, la Cour de cassation a considéré que le recours à la dissolution préjudicie les droits des créanciers en raison du fait qu’il apparait, même de manière purement vraisemblable, que cette procédure ait été instrumentalisée pour échapper aux responsabilités décrites ci-avant. Ce faisant, l’entreprise en liquidation ne bénéficie plus de la confiance de ses créanciers et ce, alors même que ceux-ci n’auraient pas manifesté leur défiance (Cour de cassation (1ère chambre), 05/06/2020, J.L.M.B., 2020/30, p. 1396-1398.).
Ce faisant, tout tiers intéressé (les créanciers, le Parquet, etc) pourrait être fondé à solliciter la faillite de l’entreprise, nonobstant sa dissolution volontaire, pendant la procédure de dissolution et jusqu’à 6 mois après la clôture de sa liquidation, entrainant le risque dans le chef de l’administrateur ou du liquidateur imprudent de voir leur responsabilité mise en cause, notamment pour aveu tardif.
Enfin, il est à noter que la procédure de dissolution implique des couts supérieurs à la procédure de faillite : expert-comptable et notaire, dont l’assistance ou l’intervention sont indispensables dans le cadre de la mise en dissolution, et, éventuellement, un liquidateur devront être payés (le cas échéant, les actionnaires devront en supporter le coût, à défaut de trésorerie suffisante pour l’entreprise).
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