Une mise à jour bienvenue
Dans son souci d’harmonisation et de centralisation du droit de l’insolvabilité dans un corps de texte unique (Livre XX du code de droit économique), le législateur a fait le vœu de promouvoir la seconde chance du failli personne physique, en lui permettant d’obtenir plus rapidement, et de manière automatique, l’effacement du solde de ses dettes, qui vient remplacer le système de l’excusabilité, pour les procédures d’insolvabilité ouvertes à partir du 1er mai 2018.
L’effacement nécessite le dépôt d’une requête
Cet objectif est certes louable, mais il ne faudrait pas s’y méprendre : l’automaticité exprimée par le législateur nécessitera une démarche volontaire du failli, qui se matérialisera par le dépôt d’une requête dans le registre électronique, qui devra intervenir dans un délai de 3 mois après la publication de sa faillite au Moniteur belge.
Le failli devra donc être attentif à déposer sa requête, dont on se demande si elle devra répondre au formalisme de l’article 1026 du Code judiciaire, sur la plateforme électronique (www.regsol.be), soit concomitamment au dépôt de son aveu de faillite, soit dans un délai n’excédant pas 3 mois à partir de la publication de sa faillite.
Le délai de 3 mois est fixé à peine de forclusion
La doctrine majoritaire, relayée par les récentes décisions, estime que le délai fixé par le législateur est un délai dit de forclusion, en ce sens que si l’effacement n’est pas demandé dans l’aveu de faillite, ou dans une période limitée dans le temps après la déclaration de faillite, le failli perdra son droit à l’effacement du solde de ses dettes (en ce sens : Bruxelles, 9e chambre, 19.12.2019, inédit).
Ainsi, et pour autant que le failli ait introduit sa demande dans les délais, le jugement de clôture de la faillite emportera, par le fait même de sa demande, l’effacement du solde de ses dettes, sans préjudice des voies de recours des tiers intéressés.
Mise à jour du 21 octobre 2021 : en date du 21 octobre 2021, la Cour constitutionnelle a annulé l’article XX.173 du Code de droit économique, de sorte que que le délai de 3 mois n’est plus applicable. (lire notre article au sujet de l’arrêt du 21 octobre 2021)
La demande anticipée
Par ailleurs, et afin d’octroyer aux faillis un véritable « fresh start », le législateur leur a accordé la faculté de solliciter, après un délai de 6 mois à partir de l’ouverture de leur faillite, la possibilité de demander la fixation de leur demande d’effacement devant le Tribunal de l’entreprise. Le législateur a en effet souhaité que les faillis puissent rapidement mener une nouvelle activité, sans attendre la clôture de leur faillite.
Cette faculté n’est pas nouvelle : en effet, sous l’empire de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le failli pouvait déjà introduire une demande anticipée d’excusabilité, et entamer une nouvelle activité, même économique.
Pour les entreprises en difficulté, la restructuration discrète peut être une alternative efficace.
De prime abord, l’objectif visé par le législateur ne nous apparait trouver aucune réelle implication pratique différente de la situation connue par les faillis déclarés en faillite sous l’empire de l’ancienne loi, dès lors que les Tribunaux de l’entreprise pourront refuser la demande de fixation du failli, et surseoir à l’examen de celle-ci au moment de la demande en clôture de la faillite par le curateur, c’est-à-dire dans un délai indéterminé, pour des raisons que nous imaginons essentiellement d’ordre organisationnel.
L’effacement peut être refusé
Le législateur a entendu préserver les droits des créanciers, en leur octroyant la faculté d’intervenir à n’importe quel moment de la procédure pour s’opposer à l’effacement du failli, ou, au plus tard, jusqu’à 3 mois après la publication du jugement accordant l’effacement, au regard de circonstances particulières et suffisamment graves, qu’il leur appartiendra d’établir.
Ce même droit existe pour le curateur et le Ministère public.
L’effacement ne peut être refusé qu’en cas de fautes graves et caractérisées qui ont contribué à la faillite.
Dans ce cas, et pour autant qu’il motive spécialement sa décision, le Tribunal pourrait accorder l’effacement partiel des dettes du failli, ou refuser totalement le bénéfice de l’effacement au failli.
Cela imposera donc dans le chef du failli de préparer sa demande d’effacement, préalablement à son évocation par le Tribunal de l’entreprise, pour pallier toutes difficultés qui pourraient surgir, et s’assurer de ce que son droit à l’effacement puisse être entendu par le Tribunal.
L’effacement bénéficie aussi au conjoint du failli
Le (l’ex) conjoint et le (l’ex) cohabitant légal bénéficieront également des effets de l’effacement, mais dans une mesure différente puisque les dettes personnelles ou communes de ces derniers, qu’elles aient été ou non contractées seules ou avec le failli, ne pourront pas être effacées si elles sont étrangères à l’activité professionnelle du failli.
Cette modification substantielle par rapport au précédent système démontre à nouveau l’intérêt du législateur de préserver les droits des créanciers, en restreignant le bénéfice de l’effacement sur ces catégories de personnes.
Conclusions
Sous les réserves évoquées supra, liées, d’une part à l’introduction de la demande dans le délai, et, d’autre part, à l’appréciation du comportement du failli avant l’ouverture de sa faillite, le législateur semble avoir promu un véritable droit à l’effacement (quasi-) automatique.
Notre conseil
Que vous soyez failli personne physique ou créancier, votre avocat spécialisé dans cette matière pourra vous aider à comprendre les implications et éventuels pièges de cette procédure d’effacement.
L’adage « Un avocat, c’est quelqu’un qu’il faut voir avant pour éviter les ennuis après » prend tout son sens, en particulier dans le domaine de l’insolvabilité des entreprises.