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Droit immobilier : Le permis de location en Région wallonne

22/04/2021

L’obligation d’obtenir un permis afin de louer certains biens n’est pas neuve en Région wallonne[1]. Des décisions – récentes comme plus anciennes – démontrent qu’il n’est cependant pas rare qu’un contrat de bail soit conclu en l’absence d’une telle autorisation[2]. Ce constat est l’occasion de rappeler brièvement les grandes lignes du régime applicable au permis de location.  

Hypothèses dans lesquelles un permis de location est requis

Selon l’article 9, alinéa 1er, du Code wallon de l’habitation durable[3] (ci-après « CWHD »), un permis de location doit, sauf exceptions[4], être obtenu avant toute mise en location des biens suivants à des occupants qui y installeront leur résidence principale[5] ou à des étudiants[6]:

  • le logement collectif, c’est-à-dire un logement[7] « dont au moins une pièce d’habitation[8] ou un local sanitaire[9] est utilisé par plusieurs personnes majeures ne constituant pas un seul et même ménage[10]»[11] ;
  • le petit logement individuel, c’est-à-dire un logement « dont les pièces d’habitation et les locaux sanitaires sont réservés à l’usage individuel d’un seul ménage »[12] et « dont la superficie habitable[13] ne dépasse pas 28 m² »[14];
  • et l’habitation légère[15].

Procédure relative à la délivrance du permis de location

Pour obtenir un permis de location en Région wallonne, il appartient au bailleur de déposer une déclaration de mise en location, au moyen d’un formulaire disponible auprès de la commune concernée[16] ou en ligne[17].

La déclaration de mise en location doit être accompagnée d’une attestation[18] établissant la conformité[19] du bien aux conditions fixées par le CWHD[20].

En cas de conformité du bien, le permis de location est délivré au bailleur dans les quinze jours du dépôt de sa déclaration[21]. À défaut de décision dans le délai précité, le bailleur peut adresser une mise en demeure à la commune et, si aucune décision n’intervient dans le mois suivant l’envoi de cette mise en demeure, le permis est réputé octroyé[22]. Du reste, en cas de refus, le bailleur dispose d’un délai de quinze jours pour introduire un recours. Le Ministre compétent en matière de logement doit alors statuer dans les quarante-cinq jours de la réception du recours et, à défaut, le refus est confirmé[23].

Le permis de location est valable pour une durée de cinq ans à dater de sa délivrance[24] et peut être renouvelé, dans les mêmes conditions que celles liées à son obtention[25]. Le bien doit évidemment respecter les conditions de conformité même s’il est couvert par un permis de location. Dans le cas contraire, le bailleur peut se voir retirer le permis de location, moyennant une mise en demeure préalable[26]. Le bien peut également être frappé par une interdiction d’occupation lorsque les manquements constatés le requièrent[27]. Le bailleur peut enfin se voir imposer une amende pénale[28] ou, si l’infraction n’est pas poursuivie par le ministère public[29], une amende administrative[30].

Conséquences de l’absence de permis de location

Si un bien est mis en location sans permis, le bailleur s’expose, à nouveau, à une amende pénale[31] ou à une amende administrative[32]. La jurisprudence civile se prononce par ailleurs majoritairement en faveur de la nullité absolue du contrat de bail conclu sans autorisation préalable[33]. Dans ce dernier cas, les parties sont « replacées dans leur situation initiale »[34] en telle sorte qu’elles sont « en principe tenues à restitutions réciproques »[35], étant entendu que le juge peut décider de moduler l’obligation de restitution des parties en fonction du cas d’espèce[36]. Certains auteurs nuancent cette jurisprudence bien établie en suggérant une application non-automatique de la nullité absolue du contrat bail conclu sans permis de location[37]. B. Kohl et C. Bare relèvent que ce courant doctrinal trouve récemment un écho, d’une part, dans la jurisprudence de la Cour de cassation et, d’autre part, dans la proposition de réforme du droit des obligations[38].

Article publié dans la revue Forum de l’immobilier :

https://www.anthemis.be/shop/product/forum-de-l-immobilier-abonnement-8618?search=forum+de+l%27immobilier#attr=7272,7137,11261

Kevin Polet                                                              

Avocat au barreau du Brabant wallon

Assistant à l’UCLouvain

Luca Ceci

Avocat au barreau du Brabant wallon

Assistant à l’UCLouvain

[1] Voy. not. N. Bernard et L. Tholomé, « Le permis de location a 20 ans ! Chronique de jurisprudence 1995-2015 », Echos log., 2015/3, pp. 32-42.

[2] Voy. not. N. Bernard et L. Tholomé, op. cit., pp. 39-42 et les réf. citées ; B. Kohl, D. Grisard, F. Onclin et S. Steils, « Le droit des contrats immobiliers. Les baux à loyer », in Chroniques notariales, vol. 64, Bruxelles, Larcier, 2016, pp. 168-169 et les réf. citées ; B. Kohl et C. Baré, « Le bail. Chronique de jurisprudence 2016-2018 », J.T., 2020, pp. 234-235 et les réf. citées.

[3] Mon. b. du 4 décembre 1998.

[4] CWHD, art. 9, al. 2. Pour une analyse de l’exception relative au contrat de colocation, voy. not. N. Bernard, « Colocation et habitat léger : actualités du bail, de l’urbanisme et du logement à Bruxelles et en Wallonie » in Actualités récentes en droit civil immobilier, Bruxelles, Larcier, 2019, pp. 149 et 150 ; U. Carnoy, La colocation au regard des polices de l’urbanisme et du logement, Limal, Anthemis, 2020, pp. 61-68 ; P. Erneux, G. Carnoy, U. Carnoy, F. Collon et C. De Ruyt, « [Logement en Région wallonne et à Bruxelles] Aspects juridiques de la colocation à 360° », For. Immo., 2020/33, pp. 4-7.

[5] Voy. la définition de « résidence principale » à l’art. 1, 6°, de l’AGW du 3 juin 2004 relatif au permis de location (Mon. b. du 16 septembre 2004).

[6] Voy. la définition d’ « étudiant » à l’art. 1, 7°, de l’AGW du 3 juin 2004 précité.

[7] Voy. la définition de « logement » à l’art. 1, 3°, du CWHD.

[8] Voy. la définition de « pièce d’habitation » à l’art. 1, 19°bis, du CWHD.

[9] Voy. la définition de « locaux sanitaire » à l’art. 1, 20°, du CWHD.

[10] Voy. la définition de « ménage » à l’art. 1, 28°, du CWHD.

[11] CWHD, art. 1, 6°.

[12] CWHD, art. 1, 4°.

[13] La superficie habitable (art. 1, 21°bis, du CWHD) est la superficie utilisable multipliée par le coefficient d’éclairage visé à l’article 2, 4°, de l’AGW du 30 août 2007 déterminant les critères minimaux de salubrité, les critères de surpeuplement et portant les définitions visées à l’article 1er, 19° à 22°bis, du CWHD (Mon. b. du 30 octobre 2007).

[14] CWHD, art. 1, 5°.

[15] Voy. la définition d’ « habitation légère » à l’art. 1, 40°, du CWHD.

[16] Le formulaire doit être remis par la commune au bailleur dans les cinq jours de la réception de sa demande (AGW du 3 juin 2004 précité, art. 7).

[17] Le formulaire est disponible sur le site « logement en Wallonie » de la DGO4 du SPW.

[18] Cette attestation est obtenue à la suite d’une enquête menée par une personne agrée à cette fin ou par la commune – au choix du bailleur (AGW du 3 juin 2004 précité, art. 8, al. 2) –, à une date fixée d’un commun accord entre l’enquêteur, le bailleur et le locataire ou, à défaut d’accord, par l’enquêteur, moyennant une communication par écrit au bailleur et au locataire, au moins huit jours avant la visite (CWHD, art. 11, al. 2).

[19] Le bien à mettre en location doit respecter plusieurs conditions, reprises aux articles 10, al. 2, et 10bis, al. 2, du CWHD. Ces articles doivent être lus en combinaison avec les dispositions suivantes : l’AGW du 30 août 2007 précité, l’AGW du 21 octobre 2004 relatif à la présence de détecteurs d’incendie dans les logements (Mon. b. du 21 octobre 2004), les éventuels règlements communaux en matière de salubrité et en matière de sécurité incendie et l’AGW du 3 juin 2004 précité.

[20] CWHD, art. 10, al. 2. Si le bien à mettre en location est une habitation légère, celui-ci doit être conforme aux conditions fixées à l’article 10bis, al. 2, du CWHD.

[21] CWDH, art. 11.

[22] AGW du 3 juin 2004 précité, art. 11, § 2.

[23] AGW du 3 juin 2004 précité, art. 15.

[24] CWHD, art. 11, al. 1er et 5.

[25] AGW du 3 juin 2004 précité, art. 14.

[26] CWHD, art. 13, al. 1er et 2.

[27] CWHD, art. 13, al. 2. Le non-respect des conditions de conformité peut être constaté à la suite de visites de contrôle réalisées à l’initiative de la commune ou, encore, à la suite de plaintes (AGW du 3 juin 2004 précité, art. 16 à 18).

[28] CWHD, art. 201, § 1er, 1° et 2°, b.

[29] CWHD, art. 200bis, § 4.

[30] CWHD, art. 200bis, § 1er, 1° et 2°, b.

[31] CWHD, art. 201, § 1er, 2°, a.

[32] CWHD, art. 200bis, § 1er, 2°, a.

[33] À ce sujet, voy. not. N. Bernard, « Conséquences civiles et administratives du défaut de permis de location », Amén., 2005/2, pp. 97-110 ; N. Bernard et L. Tholomé, op. cit., pp. 39-42 ; B. Kohl, D. Grisard, F. Onclin et S. Steils, op. cit., pp. 168-169 ; B. Kohl et C. Baré, op. cit., pp. 234-235.

[34] N. Bernard et L. Tholomé, op. cit., p. 40.

[35] B. Kohl, D. Grisard, F. Onclin et S. Steils, op. cit., p. 166 ; B. Kohl et C. Baré, op. cit., p. 234.

[36] B. Kohl, D. Grisard, F. Onclin et S. Steils, op. cit., pp. 167-168 ; B. Kohl et C. Baré, op. cit., p. 234.

[37] J. Van Meerbeeck, « Le juge et l’ordre public : libres propos quant à l’impact des normes régionales sur le bail à l’aune de la théorie des nullités », in Le bail et le contrat de vente face aux règlementations régionales (urbanisme, salubrité, PEB), Bruxelles, Larcier, 2015, p. 183 et les réf. citées.

[38] B. Kohl et C. Baré, op. cit., pp. 234-235 et les réf. citées.