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Télétravail obligatoire : conditions et conséquences

03/11/2020

L’arrêté ministériel du 1er novembre 2020 modifiant l’arrêt ministériel du 28 octobre 2020 portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus remet en place l’obligation du télétravail à domicile, dans toutes les entreprises, associations et services, jugées non essentielles (mais qui ne doivent pas obligatoirement fermer), pour tous les membres du personnel, SAUF si c’est impossible en raison :

  • de la nature de la fonction ;
  • de la continuité de la gestion de l’entreprise ;
  • de ses activités ;
  • de ses services.

Lorsque le télétravail est possible, cette obligation a deux conséquences importantes :

  • En tant qu’employeur, vous devez organiser le télétravail à domicile. Ceci implique que vous mettiez à disposition de vos travailleurs l’aide, les équipements nécessaires au télétravail, les installer et les entretenir ;
  • En tant que travailleur : vous devez télétravailler et vous n’avez plus la possibilité de choisir, alors que ce choix est possible et est permis dans des circonstances normales.

Mais quelles sont les obligations à respecter lorsque :

  • L’entreprise n’est pas en mesure de mettre en place du télétravail ? (1)
  • Le travailleur doit être mis en quarantaine suite à un contact rapproché avec une personne positive au COVID ? (2)

Par ailleurs, le télétravail engendre un certain nombre d’obligations à charge de l’employeur en termes d’indemnisation des frais liés au télétravail. (3)

1) Vous êtes une entreprise et n’êtes pas en mesure d’appliquer du télétravail ? Vous devrez mettre en place et respecter les mesures suivantes :

  • Fournir une attestation (ou toute autre preuve) aux travailleurs qui ne peuvent pas télétravailler à domicile, qui confirment la nécessité de leur présence sur les lieux du travail ;
  • Garantir le respect maximal des règles de distanciation sociale à minimum 1 mètre 50 entre chaque personne ;
  • Suivre les recommandations présentées dans le « Guide générique pour lutter contre la propagation du COVID-19 au travail » qui expliquent l’ensemble des mesures pouvant être mises en place, à partir de l’arrivé du travailleur sur le lieux de travail jusqu’à son retour à la maison, et informer les travailleurs des recommandations à appliquer en cas de contamination au COVID-19.

Il existe également une checklist à destination des employeurs pour les aider à mettre en place les mesures recommandées :
https://emploi.belgique.be/sites/default/files/content/documents/Coronavirus/Checklist-guidegenerique.docx

Si l’entreprise ne respecte pas ses obligations et si elle oblige un travailleur à se rendre au travail alors que le télétravail serait possible, le travailleur est en droit de contacter les services suivants, selon cet ordre de priorité :

  1. Son employeur et/ou sa ligne hiérarchique afin de leur faire part de l’absence de respect des mesures de prévention ;
  2. Les membres du Comité pour la prévention et la protection au travail (dit « CPPT ») ou, à défaut, la délégation syndicale ;
  3. Le Conseiller en prévention du Service interne et/ou externe pour la prévention et la protection au travail ;
  4. Les inspecteurs sociaux du Contrôle du bien-être au travail. Ces derniers peuvent être contactés, en dernier ressort, en déposant un formulaire signalant des infractions relatives aux mesures prises pour lutter contre le COVID-19 directement sur le site « Point de contact pour une concurrence loyale ».

2) Vous êtes travailleur et vous devez respecter une quarantaine ? Votre situation sera différente selon que le télétravail peut être appliqué au sein de l’entreprise

En tant que travailleur, si vous êtes :

  • Soit incapable de travailler : (vous êtes atteint du COVID-19 ou vous êtes hospitalisé ou vous présentez des symptômes suspects) : votre médecin traitant doit établir un certificat médical COVID-19 qui devra être transmis à votre mutuelle et votre employeur. Dans cette hypothèse, la réglementation sur l’incapacité de travail s’applique normalement et la mutuelle prendra en charge votre incapacité. Vous ne devez pas effectuer de télétravail.
  • Soit capable de travailler mais vous devez vous mettre en quarantaine (vous êtes positif au COVID-19 mais vous êtes asymptomatique ou vous avez été en contact rapproché avec une personne positive ou vous faites partie des personnes à risque).

Cette situation engendre des conséquences différentes selon que l’entreprise sait mettre en place du télétravail :

  • Si votre entreprise est en mesure de mettre en place du télétravail : votre mise en quarantaine n’aura aucune incidence sur le travail et vous devrez travailler « normalement » en télétravaillant. Vous continuerez à percevoir votre rémunération, pour autant que vous ne soyez pas en incapacité de travailler ;
  • Si votre entreprise est dans l’impossibilité de mettre en place du télétravail (pour une des raisons prévues par l’arrêté ministériel) : vous ne pouvez pas vous rendre sur votre lieu de travail malgré votre aptitude à travailler. Vous devrez alors demander un certificat médical de « quarantaine » à votre médecin traitant qui devra ensuite être remis à votre employeur dans les plus brefs délais. Vous percevrez alors des allocations de chômage temporaire.

3) L’indemnisation des frais liés au télétravail

Les indemnités dues dans le cadre du télétravail ne sont pas à confondre avec celles prévues pour le « travail à domicile ».

Il existe trois réglementations différentes prévoyant la possibilité de travailler depuis son domicile :

  1. Le travail à domicile, réglementé par le titre VI de la loi sur les contrats de travail ;
  2. Le télétravail structurel, régi par la convention collective de travail n° 85 du 9 novembre 2005 relative au télétravail ; et
  3. Le télétravail occasionnel, réglementé par la loi du 5 mars 2017 relative au travail faisable et maniable.

Les règles concernant le remboursement des frais sont différentes pour ces trois types de « travail à domicile » :

  • Pour le travail à domicile, la loi sur les contrats de travail stipule qu’un accord écrit doit être conclu, dans lequel le remboursement des frais liés au travail à domicile doit être prévu. En l’absence d’accord, l’employeur doit une somme forfaitaire de 10 % du salaire à titre d’indemnité de frais (ou même une indemnité plus élevée si l’employé peut prouver que ses frais réels sont plus élevés) ;
  • Pour le télétravail, il faut faire la distinction entre deux situations selon que l’employeur fournit ou non le matériel au travailleur pour lui permettre de télétravailler :
    • Si l’employeur fournit le matériel nécessaire au télétravail (mise à disposition d’un PC, connexion internet, etc.) : le télétravailleur n’a droit à aucune indemnité ;
    • Si l’employeur ne fournit aucun matériel et que le travailleur est contraint d’utiliser son propre matériel :
      • Si le télétravail était déjà organisé de manière régulière avant le confinement : (télétravail structurel) la convention collective n° 85 stipule qu’un accord écrit doit être conclu, dans lequel les coûts et frais liés au télétravail doivent faire l’objet d’un accord et le montant est librement négocié par les parties. A défaut d’écrit, la sanction prévue n’est pas l’octroi d’une indemnité spécifique, mais un droit pour le télétravailleur d’intégrer, ou de réintégrer, les bureaux ;
      • Si le télétravail n’était pas organisé avant le confinement et qu’il a dû être mis en place en raison du confinement : (télétravail occasionnel) la loi du 5 mars 2017 concernant le travail faisable et maniable stipule que l’employeur et le salarié doivent se mettre d’accord sur l’éventuel remboursement par l’employeur des frais liés au télétravail occasionnel.L’employeur peut, mais n’est pas obligé, d’accorder au télétravailleur une indemnité pour les frais occasionnés par le télétravail et par l’utilisation de son propre matériel de bureau.

Dans un récent arrêt du 5 octobre 2020, la Cour de Cassation s’est prononcée sur la différence entre le travail à domicile et le télétravail structurel en matière de remboursement des frais, en décidant que le simple défaut de contrat de télétravail écrit ne permettait pas d’être automatiquement qualifié de travailleur à domicile. Ainsi, dès que le travailleur peut être qualifié de télétravailleur parce qu’il répond à cette définition, seule la législation sur le télétravail s’applique et il ne peut donc prétendre au bénéfice des 10% de sa rémunération à titre de remboursement des frais de télétravail. (Cass., 5 octobre 2020, n°S.19.0008.N, www.juridat.be)

Notre équipe d’avocats se tient à votre entière disposition pour vous aider à comprendre votre situation concrète et vous conseiller utilement.