En cette période de crise liée au COVID 19, nous nous retrouvons face à des situations nouvelles et inattendues pour lesquelles de nombreuses questions se posent.
Ainsi, une question fréquemment posée est celle qui concerne l’obligation pour le locataire de poursuivre le paiement de son loyer, alors qu’en raison des décisions prises par le gouvernement, sa situation a été considérablement modifiée.
La situation du locataire commerçant a été particulièrement débattue à la suite des arrêtés ministériels imposant la fermeture des commerces dits non-essentiels.
Les Juges de Paix du pays sont saisis de litiges opposant bailleurs et locataires aux intérêts divergents, exacerbés en raison de la crise sanitaire actuelle. Aucune position unanime n’est adoptée par les Juges de Paix.
I. DECISIONS JURISPRUDENTIELLES
Décision favorable au locataire
Certains Juges de Paix considèrent qu’aucun loyer n’est dû pour la période durant laquelle les commerces dits non-essentiels ont été fermés.
Afin de fonder cette position, les Juges de Paix se fondent sur l’impossibilité, en raison d’un cas de force majeur, pour le bailleur de respecter son obligation de fournir une jouissance des locaux loués, ce qui impliquerait, corrélativement, la suspension des obligations du locataire, dont son obligation de paiement du loyer (J.P. Anvers (2e canton), 3 septembre 2020 ; J.P. Etterbeek, 30 octobre 2020).
Décision favorable au bailleur
En revanche, d’autres Juges de Paix considèrent que le locataire demeure redevable de l’intégralité des loyers dus pour la période correspondant à la fermeture obligatoire des commerces dits non-essentiels (J.P. Gand (1er canton), 6 juillet 2020 ; J.P. Bruges (3e canton).
Ainsi, ils considèrent que le locataire a été laissé dans les lieux loués pendant toute la durée de la suspension et était ainsi parfaitement en mesure de continuer à les utiliser ou à les exploiter différemment, en respectant les limites de l’interdiction gouvernementale (stockage, take-away, ventes en ligne, etc.) (J.P. Ixelles, 29 octobre 2020).
Décision « mixte »
De manière plus tempérée, certains Juges de Paix considèrent, enfin, que le loyer doit être diminué en raison des circonstances particulières liées à la fermeture des commerces et à la perte engendrée dans le chef du locataire, tout en recherchant un équilibre avec les intérêts du bailleur (J.P. Woluwe-Saint-Pierre, 2 juillet 2020 ; J.P. Bruxelles (1er canton), 19 novembre 2020).
Cette position est également partagée par l’Union Professionnelle belge du Secteur Immobilier qui, dans son communiqué du 6 avril 2020, a donné des directives aux propriétaires de biens immobiliers à usage commercial : « Renoncez à la moitié du loyer pendant 2 mois pour les commerçants locataires en difficulté et accordez un sursis de paiement » .
Mesure de soutien
Enfin, pour soutenir les commerçants, le Gouvernement bruxellois vient d’adopter une mesure, entrée en vigueur le 15 janvier 2021, destinée à permettre à ceux-ci de payer leur dû en leur octroyant un prêt (arrêté du 17 décembre 2020 du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale de pouvoirs spéciaux n° 2020/047 concernant l’octroi aux locataires d’un prêt sur le loyer commercial dans le cadre de la crise sanitaire du COVID-19).
II. AUTRES BAUX
Le bail d’habitation
Les baux d’habitations ne sont pas impactés de la même manière que les baux commerciaux par la crise du COVID-19.
En effet, il n’a jamais été fait interdiction au locataire de jouir des lieux loués, de telle sorte que le preneur doit continuer à procéder au paiement de ses loyers.
Le bail de bureaux
Enfin, concernant les baux de bureaux, peu de litige lié à ce type de contrat ont été soumis aux Juges de Paix. Nous relèverons uniquement une décision du Juge de Paix du canton de Woluwe-Saint-Pierre du 4 septembre 2020 estimant que l’intégralité du loyer devait être payée malgré la crise sanitaire actuelle (J.P. Woluwe-Saint-Pierre, 4 septembre 2020).
A première vue, cette décision parait suivre la logique exposée précédemment, dès lors que les baux de bureaux ne sont pas visés par les mesures de fermeture obligatoire.
Néanmoins, il n’est pas exclu que certaines entreprises soient fermées (temporairement) dès lors que, pour les fonctions qui ne se prêtent pas au télétravail, elles ne peuvent respecter les règles de distanciation sociale et autres normes sanitaires imposées par les autorités.
En ce cas, la force majeure et la théorie des risques pourraient être admises pour autant que la fermeture ne soit pas imputable à l’entreprise. Il faudra ainsi vérifier si cette dernière a mis en œuvre la diligence nécessaire pour se conformer – sans succès – aux dispositions prises par les autorités .
III. CONCLUSIONS
A la lecture des décisions récemment prononcées par les Juges de Paix, force est de constater que la question n’est pas tranchée.
Il faudra attendre la décision de la Cour de cassation ou l’adoption d’une réglementation pour mettre fin à la controverse actuelle.
Dans l’attente d’une éclaircie jurisprudentielle/légale, la meilleure solution sera sans doute de tenter de négocier une solution équilibrée, mettant en balance les intérêts du locataire et ceux du bailleur.